Sécurité et extrême-droitisation du débat

Propos liminaires de Glen Dissaux, au nom des élu·e·s écologistes, lors du Conseil municipal de Brest le 3 février 2022, sur la sécurité à Brest.

Insécurité et répression

« Monsieur le Maire,

Pour réagir et pour aller dans le sens des propos de notre majorité : vous l’avez dit tout à l’heure, effectivement on a vu les Jeunes pour Macron faire la promotion de la légalisation du cannabis il n’y a pas longtemps. Alors on ne va peut-être pas prendre des leçons de pragmatisme et d’idéologie quand on voit que Monsieur Darmanin a tenté d’interdire le CBD par un arrêté. Le CBD, pour pour rappel, c’est une molécule non psychotrope, non stupéfiante, qui rend service à bien des gens, il y a des dizaines de milliers de personnes en France qui l’utilisent contre les souffrances physiques. Il a fallu l’intervention de l’union des commerçant·e·s, qui ont été soutenu·e·s par – permettez moi de le saluer – notre secrétaire national Julien Bayou, qui a plaidé devant le Conseil d’Etat pour faire annuler en référé cet arrêté.

Donc quand on nous parle d’ idéologie là-dessus, avec une des politiques parmi les plus répressives et les plus inefficaces en matière de trafic de drogue, c’est peut-être ça le « en même temps » : on dit n’importe quoi et on se moque du monde.

Récupération politique

Nous ne sommes pas dans les polémiques électoralistes, nous ne sommes pas dans la récupération politique, la stigmatisation et l’exacerbation des peurs et des haines. En fait, on fait l’inverse. On travaille le fond des choses, parce qu’on pense avant tout aux Brestoises et aux Brestois et aux habitant·e·s des quartiers qui souffrent, évidemment, eux aussi de ces faits délictueux.

Alors, les collègues vont détailler cela tout à l’heure : on a un budget ambitieux, pour mieux vivre à Brest, on est attentifs à l’aide aux plus précaires, on a un gros travail du CCAS, des aides aux associations et aux structures de quartiers (là aussi, ce sera l’objet de délibérations) et je crois qu’on peut insister vraiment sur ces politiques structurantes pour la ville et qui vont au fond des choses.

Parce que, je suis désolé, mais quand j’entends l’opposition, parfois le discours n’est pas tellement éloigné de ce qu’on a pu entendre de la part de Madame Le Pen à Brest : autant de lieux communs ! Associer comme ça, sans complexe, la précarité, la délinquance, la propreté, en ignorant les réalités, de quoi on parle ? Les kebabs, le bruit et l’odeur, l’essence des scooters, l’écoulement des eaux… il faut être sérieux à un moment donné, au lieu d’agiter tous les sujets n’importe comment. On dirait que ça vous fait plaisir, de temps en temps, de souffler sur les braises.

Il y a une poignée d’individus qui commet des actes de violence et ce sont les habitant·e·s des quartiers, les jeunes en particulier, qui subissent les effets pervers de la récupération politicienne.

Les conséquences de cette stigmatisation, ce sont leurs mots, je cite :

Le lynchage sur les réseaux sociaux, les insultes racistes des personnes qui mélangent tout et n’importe quoi, ces diffamations à tout bout de champ nuisent à notre estime et à notre perception de nous, à notre image, notre vie

Voilà ce que pensent de ce genre de propos les habitant·e·s et les jeunes de Ponta notamment, pour qui c’est la double peine : ils pâtissent de ces violences, évidemment, ça leur fait perdre un accès précieux aux transports en commun, à certains services, et ils et elles sont en plus montré·e·s du doigt, caricaturé·e·s.

Alors, évidemment, il faut lutter contre ces actes, condamner fermement leurs auteurs. Bien sûr, il faut soutenir la police, les pompiers, les travailleurs sociaux, les habitant·e·s. Evidemment. Mais dans un Etat de droit, c’est avant tout le rôle des services de police et de la justice (et c’est heureux) avec le concours de la collectivité locale pour ce qui est de ses strictes compétences.

Alors vos rengaines sur la police municipale, sur les caméras de vidéosurveillance ou l’interprétation sécuritaire de l’urbanisme et de la prévention situationnelle, peut-être qu’on en a assez.

Sur l’urbanisme situationnel justement, je me rappelle de la fois où vous avez mentionné les espaces verts comme points de fixation de la délinquance. Et bien notre vision de l’urbanisme, justement, c’est le désenclavement des quartiers, c’est les politiques d’accès aux transports, aux services publics, pour limiter la violence. Voilà nos engagements.

Alors, je ne vais pas insister : on n’est pas d’accord sur les solutions à mettre en place, évidemment. Tous les chiffres nous donnent raison, mais bon. Les caméras, elles sont chères, elles ne servent pas, surtout pas en matière de prévention comme ça a été dit tout à l’heure. Et qu’aurait fait une police municipale, dont ça ne peut pas être la compétence, pour gérer ce qui s’est passé à Pontanézen ces derniers jours ? Rien du tout. Mais vous préférez apparemment, comme au Conseil de Métropole la semaine dernière, mettre en cause les recherches universitaires et les études. Ca aussi, c’est bien le marqueur d’une certaine droite qui a du mal avec la réalité scientifique : a on va pas se laisser ennuyer par des études de chercheurs, quand même. On entend de plus en plus cette petite musique.

Des politiques publiques ambitieuses

Et, pendant ce temps-là, on ne parle pas des problèmes de fond, on ne parle pas des autres violences, celles parfois moins visibles, moins médiatisées et pourtant tellement plus fréquentes : le harcèlement de rue, les violences contre les plus précaires, les violences économiques, sociales, les inégalités croissantes, et surtout les violences intrafamiliales, les violences faites aux femmes et aux enfants. Pour rappel, une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint, un enfant meurt tous les cinq jours sous les coups de ses parents. Ca, ça devrait occuper nos esprits et le débat.

Alors si on veut parler de sécurité sérieusement, je crois qu’il faut qu’on parle de protection de l’enfance, de justice des mineurs, pas uniquement de voitures brûlées ou d’expulsions de familles de logements sociaux.

Nous allons poursuivre notre action dans les quartiers, pour renforcer la présence et les moyens des services publics, y compris de la police, conforter les politiques de médiation, de prévention, y compris en matière de santé publique et de consommation de drogue, renforcer l’accueil et l’accompagnement des personnes victimes via le futur lieu d’accueil, lutter contre les discriminations, favoriser l’accès à la culture, au sport, etc.

Les problèmes de tranquillité publique sont complexes et nécessitent de la détermination, du travail, du sérieux et aussi du respect, une volonté d’apaisement et d’inclusion.


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