Fin du mois, fin du monde

Dans le contexte économique tendu que nous connaissons, notamment celui de la hausse exceptionnelle des prix de l’énergie, Glen Dissaux a rappelé, au nom des élu.e.s écologistes, en ouverture du Conseil métropolitain du 3 octobre, la nécessité de construire des politiques de sobriété justes, équitables et concertées.

Monsieur le Président, chers collègues,

Mon intervention au nom des élu.e.s écologistes sera sur le même thème et s’inscrira dans la suite de ce que vous venez de
dire.

Effectivement, comment passer l’hiver ? Comment passer cet hiver et comment passer les hivers suivants ?

La question est soudain devenue l’objet de toutes les attentions et pas un secteur ne semble devoir échapper à la question de la
rareté des ressources et de la nécessité de réduire la consommation d’énergie. Alors la sobriété est sur toutes les lèvres. Mieux vaut tard que jamais. Les injonctions se multiplient,

mais notre responsabilité politique collective n’est pas de donner des leçons mais de chercher des solutions.

C’est l’ensemble de notre système social qui est questionné par l’imbrication désormais évidente des questions de fin du monde et des enjeux de la fin du mois.

Quand on parle des difficultés de certaines écoles, de certains EHPADs, ou de certains ménages tout simplement, qui ont des difficultés pour se chauffer, ce n’est plus de l’ordre de l’anecdote ou du conjoncturel. Cette crise énergétique a des conséquences en cascade qui amènent à interroger l’ordre des priorités, comme hier la crise du Covid est venue interroger ce qui était essentiel ou superflu.

Pourtant il n’est pas certain que notre regard collectif s’ouvre davantage aux nécessités du changement. Nous n’en sommes qu’aux prémices de la remise en cause des impensés, des mythes, des dogmes qui nous ont justement menés au bord du précipice. On a l’impression parfois qu’au contraire, l’urgence tétanise et bride les imaginations. Alors oui, on reprend plus facilement les anciens réflexes. Le mieux partagé étant de croire que la crise est conjoncturelle, à cause de la guerre en Ukraine, à cause du petit coup de moins bien du secteur nucléaire français, ou bien du manque d’anticipation du gouvernement.

Rien n’est moins vrai. La plus grande des erreurs serait d’évacuer la dimension structurelle des énormes transformations à engager, en tous points indispensables pour notre avenir et celui de nos enfants.

La récession est bien plus qu’une menace, l’inflation prend les ménages à la gorge, les prix flambent, les inégalités se creusent et devraient nous faire remettre en cause le dogme de la croissance infinie dans un monde infini. Notre dépendance aux énergies fossiles en particulier et à l’extractivisme en général s’inscrit dans une longue histoire dont il faut nous défaire.

Le monde est en état de crise et l’Europe vit un moment de vérité. Car l’enjeu est bien celui-ci : faire en sorte que cette crise énergétique ne débouche pas paradoxalement sur une régression écologique de grande ampleur causée par l’adoption de mesures d’urgence qui sacrifieraient l’avenir. Il faut mesurer ce choc pour tous ces gens fragilisés par la hausse des prix, à commencer évidemment par la hausse des prix de l’énergie et il faut réagir en conséquence.

Alors c’est très concret ce qu’ont dit. La sobriété est sur toutes les lèvres donc, mais de quoi parle-t-on ? Parce que si nous avons pour seul horizon mental l’expansion continue de la croissance, si nous n’avons pas de vision pour l’avenir, ces appels sonnent et sonneront creux.

C’est très sympathique de privilégier les étendoirs à linge ou les cols roulés, de demander gentiment à chacun de baisser le chauffage ou de couper le Wi-Fi. Mais attention à ce que cette culpabilisation collective ne soit pas de mauvais ton, voire franchement malvenue et ne suscite une révolte sociale pouvant dépasser celle des gilets jaunes.

Car la crise énergétique rend encore plus insupportable les inégalités économiques. Lorsque certains ménages hésitent chaque année, et cette année plus encore, à rallumer leur chauffage, se restreignent ou se privent, y compris pour manger, rappelons-nous que pour les personnes modestes, la sobriété n’est pas une option.

En France, les 10% les plus riches émettent 5 à 10 fois plus de CO2 que les 50% les plus pauvres, c’est un fait. Certains se déplacent en jet privé, quand d’autres ne se chauffent pas. Une véritable politique de sobriété doit permettre de remettre l’équité au cœur de notre modèle social en assurant à chacune et chacun de pouvoir répondre à ses besoins.

Alors chacun fait des efforts, très bien.

Mais faire peser sur les plus pauvres qui sont aussi les moins pollueurs, les plus grands efforts à fournir, est une ineptie doublée d’une forfaiture.

C’est vrai chez nous, comme à l’échelle de la planète, la sobriété juste, ce n’est pas juste la sobriété. C’est la recherche d’un autre agencement des rapports sociaux, capable de mieux redistribuer les richesses et de limiter les atteintes au vivant.

Nous ne réaliserons pas l’économie des millions de tonnes de CO2 nécessaire à l’atténuation du changement climatique, en demandant à des familles qui vivent dans des passoires énergétiques de couper le Wi-Fi.

Et le cadre plus large, c’est que nous sommes déjà en dehors des clous, en dehors des trajectoires dessinées pour limiter l’augmentation de la température mondiale, qui est la garante de l’habitabilité de la planète. Alors, notre responsabilité en matière de lutte contre le changement climatique est partagée, évidemment, mais différenciée.

Ça veut dire que ceux qui ont les moyens doivent faire plus d’efforts parce qu’ils partent de plus loin. Penser la sobriété, c’est une affaire politique et non d’abord un sujet technique. C’est une nouvelle société à créer, la sobriété par conséquent doit naître d’une construction démocratique.

Pour finir, un mot plus optimiste sur notre capacité collective à affronter ces crises. Moi je crois en des réponses au plus proche des habitantes et des habitants. Je souhaite remercier d’ailleurs les membres de cette assemblée ainsi que nos prédécesseurs, plus largement, tous les acteurs de cette collectivité, parce qu’on a déjà les bases de ce travail local de sobriété et de justice sociale.

En effet, ça a été rappelé, nous avons un certain nombre des outils nécessaires entre nos mains, des leviers d’action. Alors pas tous, loin sans faut. Il y a une vraie question de la planification de l’Etat parce que le marché ne va pas régler ça tout seul, on l’a vu.

À la différence du gouvernement français, donc nous avions anticipé en local certaines choses en matière d’énergie et de climat. Je pense au réseau de chaleur urbain, au programme de rénovation thermique des écoles, des bâtiments publics, aux services fournis par notre agence locale à l’énergie et du climat Ener’gence, au tram et au BHNS, au cadastre solaire, on travaille sur l’éclairage public à venir et cetera, etc.

Alors nous reste à passer la seconde sur ces sujets, à nous donner les moyens, à changer de braquet et à entraîner tout le territoire, tous les acteurs du territoire dans l’inévitable bifurcation écologique.

Le plus tôt nous nous attèlerons à la baisse massive de nos émissions carbones, à la sobriété juste, à l’efficacité énergétique, au développement des énergies renouvelables, massivement, mieux ce sera pour tous les acteurs du territoire.


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