Droit au travail pour les exilé·e·s

En introduction de conseil municipal de Brest, Marion Maury a dénoncé l’absurdité de la situation de nombreux travailleurs et travailleuses étranger·e·s sur notre territoire. Alors que des jeunes étranger·e·s sont formé·e·s dans nos écoles, puis dans nos entreprises comme apprenti·e·s, ils et elles sont sommé·e·s de quitter le territoire à leur majorité, laissant les entreprises qui comptaient les embaucher sans solution de remplacement.

Monsieur le maire, cher·e·s collègues,

Il y a dix jours, le créateur de l’association nationale Patrons solidaires est venu à Guipavas parler du droit au travail des exilé·e·s en Finistère.

Patrons solidaires, c’est cette association nationale qui s’est créée l’an dernier pour soutenir les patron·ne·s qui ont formé légalement des jeunes étranger·e·s en apprentissage qui sont tout d’un coup empêché·e·s de les recruter. Ce débat était organisé par l’association Digemer que la Ville de Brest soutient au titre de l’accueil digne des exilé·e·s à Brest.

Nous souhaitons en dire un mot nous les écologistes car ce sujet concerne des jeunes Brestois·e·s qui sont formé·e·s dans nos écoles professionnelles à Brest mais aussi des entreprises de notre territoire.

Il était frappant lors de cette rencontre de voir à quel point les constats sur le sujet sont partagés tant par les collectifs de défense des exilé·e·s que par des entreprises mais aussi par des organisations d’employeurs du type SICA ou FNSEA qui se mobilisent à leurs côtés pour alerter l’État. Cette convergence des acteurs est inédite. Ces acteurs se mobilisent aussi ensemble dans d’autres départements.

BTP, agriculture, restauration, aide à la personne, … les secteurs d’emploi dits tendus sont nombreux. La presse l’a beaucoup relayé cette année. Il s’agit d’une situation généralisée, mais rappelons que le taux de chômage au deuxième trimestre 2022 s’établit en Bretagne à seulement 5,9% de la population active.

Nous sommes donc particulièrement concerné·e·s par ces tensions de recrutement. Et ce n’est pas parce que l’activité économique ralentit, que nous n’avons pas besoin d’électricien·ne·s formé·e·s, de couvreurs·euses, de plombier·e·s chauffagistes. Car des offres d’emploi non pourvues sur ces postes sont légion depuis des mois. Et le temps de formation ou de reconversion des demandeurs·euses d’emploi est un temps long.

Alors pourquoi l’Etat empêche-t-il de travailler des talents déjà formés dont nous avons besoin sur notre territoire ?

Car lors de cette rencontre, il y a dix jours, des chef·fe·s d’entreprise mais aussi des élu·e·s locaux du Pays de Brest interpellé·e·s par les entreprises de leur territoire, sont venu·e·s témoigner de l’absurdité des tracasseries et méandres administratifs qu’ils subissent malgré ce contexte.

Ce dont je vous parle, c’est le témoignage par exemple d’un entrepreneur du bâtiment qui a formé un mineur étranger en apprentissage.

Ces jeunes sont formé·e·s dans nos écoles, y compris à Brest, dans les filières professionnelles. Ils et elles sont formé·e·s dans nos écoles et pour beaucoup y ont un parcours brillant car le travail est pour eux le seul moyen de s’en sortir. Ils et elles le savent parfaitement. Tous leurs efforts sont tendus vers le travail. Ils et elles font leur apprentissage dans une entreprise souvent avec succès.

Et c’est long pour l’entreprise de former un·e apprenti·e : cela demande de l’attention, du temps, un transfert de compétences et de savoirs. C’est de l’énergie et un vrai investissement de l’entreprise.

Et voilà qu’au moment où le ou la jeune est formé·e, pleinement intégré·e dans l’équipe, rentable pour l’entreprise qui lui offre donc la possibilité de continuer avec un CDI à la clé, voilà que cette entreprise se retrouve informée d’un coup que le jeune doit quitter le pays à sa majorité ou un peu de temps après et qu’il doit quitter l’entreprise qui a pourtant besoin de ce talent qu’elle a formé légalement.

Alors, pour certaines entreprises s’engage un parcours du combattant avec l’administration de l’État qui ne répond pas toujours aux courriers ou de manière laconique et qui laisse les dirigeant·e·s des mois dans l’incertitude du devenir du jeune en question et des impacts que cela peut avoir sur l’activité de l’entreprise. Les patron·ne·s établissent la promesse d’embauche, remplissent des Cerfa, et sont contraint·e·s d’attendre. L’un d’eux a témoigné il y a dix jours attendre depuis le printemps dernier.

Ce manque de réactivité n’est pas aidé par le tout numérique : des plateformes numériques qui sont conçues de telle sorte qu’il n’y a jamais d’échange direct et humain possible avec l’administration. Si ce système n’a pas été conçu pour décourager au maximum les entreprises, c’est rudement bien imité nous disent les dirigeant·e·s.

Sauf qu’ils et elles n’ont pas le temps. Le temps de l’entreprise n’est pas celui de l’administration.

Ces ruptures de parcours de jeunes formé·e·s et diplômé·e·s sur notre territoire qui ont une promesse de contrat de travail sont aberrantes tant pour le jeune que pour l’entreprise. Et c’est un pied de nez aussi insupportable pour les formateurs·rices et le travail effectué dans nos écoles à Brest.

Ces jeunes ont des promesses d’embauche multiples en sortie de formation qui ne peuvent être honorées. Je rappelle que les mineur·e·s étranger·e·s ont droit au séjour et à l’aide sociale à l’enfance et que lorsque le diplôme et l’intégration dans l’entreprise est réussie, il est tout bonnement absurde de les renvoyer à leur majorité et contre leur gré, alors qu’ils et elles sont parfaitement inséré·e·s, y compris professionnellement, et ce depuis des années.

Et dans la réalité d’ailleurs, ils et elles ne sont pas expulsé·e·s du pays. Simplement, on leur hôte le droit de vivre de leur travail, d’avoir les moyens d’avoir un logement. Ce qui est autrement plus subtil et destructeur. Car ces ruptures peuvent créer des situations de sans-abrisme et d’errance. C’est une réalité dont témoignent les associations de solidarité qui œuvrent dans la ville de Brest et nos équipes au CCAS.

Ces ruptures de parcours ne concernent pas que les jeunes mais aussi des travailleurs ou travailleuses salarié·e·s étranger·e·s plus âgé.e·s qui cotisent depuis des années, à qui d’un coup on refuse un renouvellement de titre de séjour ou à qui on tarde à l’accorder. Plongeant au passage entreprises employeuses dans l’obligation de mettre fin au contrat de travail ou de courir des marathons administratifs avec l’insécurité juridique qui va avec.

Mais parallèlement, on voit de la main-d’oeuvre étrangère appelée en secours, qui vient de loin, pour des activités en tension, alors que des personnes sont déjà prêtes sur notre territoire à travailler et pour du long terme.

C’est un système qui à notre sens, marche sur la tête.

Et certaines entreprises de notre territoire prennent des risques pour assurer la continuité de leur activité. Pour rappel, c’est 15 000 euros d’amende et 5 ans de prison pour un·e patron·ne qui embauche un travailleur irrégulier en connaissance de cause.

Alors, avec les associations brestoises et en appui aux entreprises concernées qui ont exprimé leur désarroi et continuent de l’exprimer, nous appelons l’Etat et les parlementaires qui feront la future loi immigration annoncée pour début 2023 à ne plus interrompre l’insertion des jeunes en apprentissage qui ont été formé·e·s par nos écoles à Brest et qui travaillent dans les entreprises du territoire qui en ont besoin.

Cette jeunesse mérite notre soutien, notre humanité et nous en avons besoin, car notre pays vieillit et nous le savons.

Nous appelons à mieux sécuriser l’entreprise dans ses démarches de continuité d’activité avec des salarié·e·s étranger·e·s qu’elles ont légalement recruté·e·s, à sécuriser l’insertion professionnelle lorsqu’elle est réussie et nécessaire, à davantage systématiser l’autorisation de travail lorsque l’administration met des mois et des mois à examiner des dossiers et à donner une réponse, et enfin à simplifier les démarches pour l’entreprise qui sont à ce jour très compliquées.

Il devient vraiment urgent de remettre un peu de contact humain derrière des plateformes internet et des démarches en ligne. Et cela serait utile d’ailleurs pour beaucoup de services publics et pas seulement pour des gens en fracture numérique. Voilà qui seraient de bonnes pistes de progrès dans l’intérêt de notre territoire.


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