Lors de ce premier Lundi de la Santé de 2023, le sujet de l’impact de la précarité sur la santé des plus vulnérables a été abordé. A l’invitation de Fragan Valentin-Leméni, adjoint au maire à la santé, Marion Maury, adjointe en charge de l’Action sociale a rappelé les actions de la Ville de Brest en matière de lutte contre la précarité et leurs limites.
Propos introductifs de Marion Maury :
A Brest ce sont 23 000 brestoises et brestois qui vivent en dessous du seuil de pauvreté et la moitié environ avec moins de 885 € par mois. Le fait est que le taux de pauvreté a progressé depuis 20 ans et les tensions sur le logement sont de plus en plus importantes partout en France.
La nuit de la solidarité à Brest, réalisée il y a un an, indiquait que 500 personnes étaient en situation de précarité face au logement. Dans l’action sociale, on voit bien que sans hébergement ou logement stable il est sans doute vain de penser qu’un parcours de prévention ou de soin, quand il est nécessaire, puisse se déployer de façon efficace ou normal.
La loi a voulu que la vulnérabilité en santé puisse être une raison impérative pour l’État de mettre à l’abri les personnes concernées. Dans les faits, nous sommes conscientes et conscients que ce n’est pas toujours bien appliqué ou avec la réactivité souhaitable et je pense que c’est une difficulté que nous avons en commun avec les soignants, les professionnels qui interviennent comme l’hôpital ou même la Ville, que je représente ce soir et qui œuvre à leurs côtés pour démêler des situations.
Le logement est donc, pour moi, une première condition sociale du fait de pouvoir rester en santé ou se faire soigner convenablement sans interruption de soins. C’est pourquoi la Ville de Brest a développé une politique active d’hébergement ou de logements d’insertion avec la Métropole et une offre de logements sociaux, en coordination avec tous les acteurs concernés, mais bien évidemment ce n’est pas suffisant.
La situation de rue, avec son lot de violences, le manque de sommeil, les intempéries, le bruit, la peur, la nourriture manquante ou déséquilibrée ne sont pas l’unique visage de la précarité et de ses impacts sur la santé. Il y a bien entendu aussi les effets concrets sur la possibilité de santé que peuvent avoir des décisions politiques, par exemple comme sur la situation des exilés, lorsqu’en 2019, on a décidé que l’ouverture de droits à la protection universelle maladie serait appliquée pour les demandeurs d’asile, après un délai de carence de trois mois. Ce type de décision peut avoir des conséquences et entraîner des difficultés pour la prise en charge de santé des personnes qui en ont besoin.
Pour les publics en situation de précarité, le non recours au droit de se soigner est courant. La coordination et la médiation vers la médecine de ville et le parcours santé de droit commun est un enjeu fort, un enjeu important et compliqué quand le parcours de soin a démarré, souvent à l’hôpital ou dans un centre de soin gratuit. Or les personnes en exile peuvent présenter de multiples problèmes de santé graves, y compris des traumatismes psychiques, et les professionnels vont, j’en suis sûre, nous le dire, liés à la dureté et aux traumatismes vécus lors du parcours d’exil. Auxquels s’ajoutent les incertitudes administratives, l’attente, le droit au travail compliqué ou rendu impossible et l’effort de dialoguer dans l’inter-culturalité.
Il n’y a pas qu’une précarité, mais de multiples facettes qui peuvent avoir des effets sur la santé. La situation des familles monoparentales, surreprésentées dans les publics en situation de pauvreté. Des femmes, souvent, qui ont du mal à trouver le temps, la disponibilité de prendre soin d’elles au-delà du soin qu’elles apportent à leurs enfants.
La Ville de Brest œuvre pour l’accès à l’alimentation durable et équilibrée pour le plus grand nombre. On sait que l’alimentation est un élément clé dans l’entretien de la santé. On sait, cela est mesuré, que les ménages ajustent leur budget sur l’alimentation après avoir payé les dépenses les plus contraintes. Et ce n’est pas un hasard, je pense, que l’on parle de plus en plus de sécurité sociale alimentaire, faisant un lien ainsi entre la santé et le bien être alimentaire. En attendant de voir ces idées prospérer, la Ville de Brest, qui tient à l’offre de la cantine, une offre de qualité et bio, qui tient à ce que les familles qui en ont besoin puissent y accéder de façon gratuite. Et en tant que qu’adjointe à l’Action sociale, je me dis que c’est vraiment une politique forte, quand on voit des enfants qui sont mis à l’abri à l’hôtel, ne pas pouvoir avoir une alimentation saine et de qualité et se nourrir d’aliments lyophilisés.
Un dernier mot pour dire qu’à l’inverse l’état de santé peut aussi être un facteur causal de la précarité. C’est la réciprocité de la relation que l’on questionne de ce soir. La survenue d’un handicap, d’une situation de santé qui ne permette plus le travail ou amenuise le lien social, dégrade la santé psychique ou physique. Et parfois une multitude d’emplois difficiles, pour certains précaires, sollicitent le corps, l’usent et créent des situations de santé dégradée. Le vieillissement prématuré dans l’action sociale c’est un vrai sujet. Les EHPAD ne sont pas faits pour accueillir des personnes encore jeunes concernées, en perte d’autonomie prématurément du fait de la pauvreté ou de la dureté de leur vie.
J’aimerais conclure sur la question environnementale et ses relations avec la santé. Les enjeux écologiques, la qualité de l’air, par exemple, qui nous touche tous, peuvent mettre en tension la recherche d’une meilleure santé et la lutte contre la précarité. Habitats indignes, environnement pollué, bruits, alimentation de moindre qualité : ce sont souvent les plus précaires qui souffrent des dégradations environnementales. Ce ne sont pas les plus aisés qui vivent au bord du périphérique et en subissent la pollution, par exemple. Un des enjeux sera de protéger la santé de toutes et tous sans stigmatiser ou faire peser des contraintes supplémentaires intenables au moins aisés. Je pense par exemple au débat qui s’ouvre sur l’extension des Zones à Faibles Émissions, qui sera ardue à bien mener pour que cette recherche de santé ne mette pas en tension les plus précaires. Nous avons beaucoup d’idées nouvelles à trouver pour faire reculer la pauvreté en même temps que faire progresser la santé.
Ce lundi de la santé s’est déroulé en présence de :
- Dr Catherine Jezequel, Médecin généraliste – Centre de santé Point H
- M. Freddy Cabanis, Psychologue clinicien – CHU Brest
- Dr Cyril Mathonier, Psychiatre – CHU Brest