Propositions pour le Grand Départ du Tour de France à Brest

Adresse aux citoyen·ne·s

Les élu·e·s écologistes publient le courrier adressé à leurs collègues faisant état de leurs nombreuses propositions pour améliorer, entre autres, l’empreinte carbone du Grand Départ du Tour de France 2021.

Monsieur le Maire, Cher·e·s collègues,

Le prochain « Grand Départ » du Tour de France cycliste sera organisé à Brest, le samedi 26 juin 2021. Cet événement d’ampleur, extrêmement médiatisé et à visibilité internationale, mettra un grand coup de projecteur sur la Bretagne et particulièrement sur notre ville, qui devient, après Paris, la ville ayant reçu le plus de fois la grande boucle.

Le Tour est une grande fête populaire, un moment important pour de nombreux fans de vélo.

Il est aussi, comme tous les grands évènements, générateur de nombreuses pollutions et de fortes émissions de CO2. Nous l’avions montré l’été dernier, nous ne sommes pas opposé·e·s à l’organisation du Grand Départ, mais nous devons travailler à rendre cet événement plus écologique, en termes d’empreinte carbone et de gestion des déchets d’abord.

Nous pensons partager cette ambition avec vous et l’organisateur avec lequel nous pouvons travailler à partir de sa présentation RSE.

Cet événement est aussi une occasion de promouvoir la pratique du vélo à Brest et de travailler sur le sexisme dans le sport et dans la société, l’image de la femme et la place des femmes dans les compétitions sportives et l’espace public. Nous sommes attaché·e·s à l’accessibilité universelle de l’évènement et nous devons aussi nous assurer d’une large communication en breton et de promotion de la langue et culture bretonnes.

La ville de Copenhague qui accueillera le départ du Tour en 2022 est un exemple en termes de préoccupation pour le climat ; la politique vélo y est la plus développée du monde. Élue ville européenne verte en 2014, Copenhague sera probablement une des premières villes du monde à atteindre la neutralité carbone. Dans le cadre de l’Euro de football, elle a développé une politique extrêmement ambitieuse et novatrice (réduction des gaz à effet de serre et compensation carbone quand ce n’était pas possible). Nous devons assurer la transition et préparer le terrain.

Les citoyen·ne·s attendent aujourd’hui de la collectivité qu’elle soit exemplaire. Nous avons tous et toutes intérêt à prendre en compte sérieusement les aspects environnementaux et climatiques.

Pour faire de ce prochain départ du Tour un événement plus “éco-responsable” et parce que la convention telle qu’elle est prévue aujourd’hui ne nous parait pas suffisante et très vague, voici des propositions pour que notre collectivité soit force de proposition auprès des organisateurs.

Ces propositions sont en lien avec nos ambitions et engagements locaux, comme par exemple notre Plan Climat ou encore notre projet de Plan Alimentaire Territorial.

  • Gestion des déchets

En moyenne, 3 tonnes de déchets sont collectées annuellement dans chaque ville étape. Ce chiffre peut varier selon les collectivités, avec un record de 20 tonnes de déchets collectées au Ventoux en 2009. 50 à 55% seulement de ces déchets sont recyclés. Parmi les déchets collectés, on retrouve des millions de goodies et les bidons d’eau des cyclistes.

Les goodies

Les goodies distribués par la caravane contribuent largement au mauvais impact environnemental du Tour. 15 à 18 millions de petits items en plastique, souvent sous blister et importés, sont distribués chaque année. La plupart sont jetés soit directement sur place soit après quelques jours.

Ce modèle économique doit être repensé.

ASO a pris un certain nombre d’engagements, notamment l’interdiction des suremballages, des emballages plastiques et des goodiesà usage unique.

Il est précisé dans la convention que “les Articles Promotionnels proposés par les parties signataires devront respecter les règles environnementales : pas d’emballages, pas de cadeaux en plastique à usage unique ou sans réelle utilité.”

Par contre, ASO quant à elle ne s’engage qu’à la “suppression des emballages plastiques à usage unique des objets publicitaires”.

Il nous semble qu’elle devrait, a minima, s’engager sur les mêmes contraintes que pour les parties signataires.

De plus, il devrait être fait mention dans la convention d’un objectif de réduction du nombre de goodies distribués et d’un objectif de qualité des goodies distribués (cadeaux durables, fabriqués en France, par exemple).

Enfin, il pourrait être envisagé d’utiliser d’autres outils de street marketing que la caravane publicitaire (distribution à vélo par exemple).

La gestion des déchets

La convention stipule qu’ASO s’engage à rédiger une charte de tri, instaurer un coordinateur déchets, faire un rappel des consignes environnementales, sensibiliser les suiveurs et le public au respect de l’environnement, intégrer les critères de développement durable dans l’ensemble des contrats partenaires et prestataires, distribuer des sacs poubelles destinés au tri, supprimer les flûtes de champagne à usage unique dans les espaces VIP, supprimer les emballages plastiques à usage unique des objets publicitaires.

De plus, Brest ville et métropole s’engagent, au travers de cette convention à avoir un coordinateur environnement-déchets, interlocuteur d’ASO, prendre des mesures de police pour préserver le respect de l’environnement, mettre à disposition des conteneurs et des sacs poubelles, assurer le ramassage et tri des déchets collectés, assurer le nettoyage des sites occupés, remettre à ASO des chiffres après l’épreuve sur les quantités de déchets collectés et triés, réaliser des prestations sans plastique (restauration, cadeaux, etc.) et mettre en place des moyens de mobilité durable (navettes hybrides, électriques, etc.).

Ces engagements nous semblent faibles au vu des enjeux environnementaux.

Nous proposons d’y ajouter un objectif de 100 % des déchets recyclés, cela implique donc qu’aucun déchet non recyclable ne doit être produit.

Nous souhaitons également que les déchets alimentaires soient compostés.

Enfin, la collectivité s’engage à “procéder, sans que le coût n’en soit supporté par ASO, aux travaux de remise en état comme l’enlèvement du balisage, des équipements de franchissement de cours d’eau éventuels, au besoin de remise à niveau des voies d’accès, à la réalisation si nécessaire de la restauration des milieux naturels ou équipements sportifs tels que stades”. Tout comme elle s’engage aussi au ramassage et au tri de l’ensemble des déchets produits lors de l’événement, à l’exception de ceux produits par les coureurs pendant la course.

Il nous semble déraisonnable de laisser cette responsabilité uniquement à la charge de la collectivité. Afin de limiter au maximum la production de déchets et la dégradation de notre environnement (milieux naturels particulièrement), cette responsabilité devrait être portée conjointement. Ou bien, ASO devrait, a minima, s’engager à réduire au maximum les effets néfastes par des actions concrètes.

Le Fan Park et les autres espaces accueillant du public

Le Fan Park, comme les autres espaces accueillant du public, présente un risque au niveau des déchets, qu’ils soient produits par les stands sur place ou par les spectateurs.

De plus, afin de permettre la valorisation du “bien manger” et de nos producteurs locaux, la convention pourrait préciser un objectif de nourriture bio et locale.

Nos propositions :

→ Un Fan Park zéro déchet : établir une charte pour les entreprises présentes.

→ Une restauration bio et locale : mettre en avant les producteurs bios et locaux, en lien avec le futur Plan Alimentaire de Territoire.

  • Empreinte carbone

On estime l’empreinte carbone du Tour de France à 341 000 tonnes de CO2 (source AFP). En prenant en considération ce chiffre, le Tour se place à la 3ème place des événements sportifs les plus polluants, après les Jeux Olympiques (1,1 million en 2012) et le Mondial de Football (2,5 millions en 2014).

L’ampleur de l’empreinte carbone du Tour va à l’encontre de la politique mise en place par la collectivité, et notamment de l’objectif facteur 4.

Nous ne pouvons que nous étonner de constater que dans la convention le terme de “réduction des émissions de CO2” ne soit mentionné qu’une seule fois, dans l’annexe 1.

Les engagements pris par ASO à ce sujet sont d’introduire des véhicules hybrides dans la flotte de véhicules officiels, de réduire le nombre de véhicules et optimiser le covoiturage des suiveurs, de donner une formation de conduite éco-responsable, d’optimiser les moyens de transport, de sensibiliser le public aux bienfaits du vélo, de proposer une alimentation 100% de saison et 100 % française dans les espaces VIP.

Plusieurs pistes devraient être étudiées pour limiter véritablement l’empreinte carbone du passage du Tour à Brest, dans un souci de cohérence de nos politiques : mesurer d’abord, pour ensuite réduire puis compenser.

Mesurer l’empreinte carbone

Mesurer l’empreinte carbone du passage du Tour à Brest est la première étape vers sa réduction.

Nous souhaitons que la collectivité et ASO s’engagent à :

→ Reprendre les chiffres des passages du Tour à Brest en 2008 et 2018 : une note des services à diffuser aux élu·e·s pourra servir de base à la communication de la collectivité sur les engagements pris.

→ Évaluer l’empreinte prévue du passage en 2021.

→ Dans le but d’établir un objectif de réduction de l’empreinte carbone du passage du Tour en 2021 et de communiquer sur cet objectif et sa réalisation.

Réduire l’empreinte carbone

Afin d’atteindre cet objectif de réduction, plusieurs engagements doivent être pris, par la collectivité comme par ASO :

→ Instaurer un budget carbone : le budget carbone est au programme de ce mandat, sa mise en place pour cet événement permettrait de lancer cet engagement en familiarisant les services avec l’outil du budget carbone à une échelle réduite.

→ Limiter au maximum les réfections de voirie : les réfections de voirie, au-delà d’être coûteuses, sont polluantes et doivent être évitées au maximum. Lorsque ces réfections sont nécessaires (des critères déterminant cette nécessité pourront être fixés), des solutions plus écologiques devront être privilégiées.

→ Inscrire dans la convention un nombre maximum de véhicules à énergie fossile.

→ Inscrire dans la convention que 85 % de la flotte globale de l’organisation sera en hybride rechargeable, comme il l’a été mentionné lors de la présentation RSE.

→ Inscrire dans la convention l’interdiction de véhicules émettant plus de 131gr de CO2 dans la caravane, comme il l’a été mentionné lors de la présentation RSE.

Bien évidemment, les réalisations listées dans le point 1 contribueront également à réduire l’empreinte carbone de l’événement.

Compenser l’empreinte carbone

Les différentes mesures proposées ne permettront pas de ramener l’empreinte carbone du passage du Tour de France à un seuil proche de zéro. Des mesures de compensation doivent donc être prises.

Nous proposons que la collectivité et ASO s’engagent à :

→ Créer un fonds de compensation local destiné à financer des actions de réduction des gaz à effet de serre et des actions de séquestration de CO2.

→ Acheter des crédits carbone sur le marché de la compensation volontaire.

  • Promotion du vélo

Le Tour de France est un coup de projecteur sur le vélo qu’il est pertinent d’utiliser pour promouvoir le vélo à Brest.

Dans son annexe 1, partie “L’Avenir à Vélo – le vélo et la ville”, la convention établit toute une liste d’actions qui nous semblent aller véritablement dans le sens de la promotion du vélo comme moyen de déplacement du quotidien. Ainsi, il est précisé qu’en “accueillant le Tour de France, les parties signataires s’engagent ainsi à faire leurs meilleurs efforts pour accélérer le développement de pistes et infrastructures cyclables et améliorer la prise en compte de la sécurité routière des cyclistes.”

Nous pensons donc que la collectivité devrait prendre des engagements forts pour développer les infrastructures indispensables à la pratique, en sécurité, du vélo en ville.

Pour cela nous proposons que la collectivité :

→ investisse dans des aménagements facilitant le vélo en ville : lorsque les réfections de voirie sont nécessaires, ces réfections doivent être l’occasion de mettre en place des pistes cyclables et d’autres mobiliers urbains facilitant le vélo en ville sur les espaces concernés.

→ adopte un budget vélo dans le budget prévisionnel : le Tour générera des retombées économiques importantes qui permettent d’inscrire des crédits pour la promotion du vélo aux côtés des autres dépenses engendrées par le passage du Tour.

  • Parité

La parité et l’image de la femme lors des événements sportifs sont loin d’être des problèmes résolus.

Soyons exemplaires sur ce sujet !

Nous souhaitons qu’ASO s’engage expressément dans la convention à une parité femme/homme des hôtes et hôtesses sur tout l’événement, et organise une course féminine pour ouvrir le Tour de France, comme en 2020.

Conformément aux engagements de la collectivité, nous devons veiller à « éliminer les stéréotypes liés aux genres dans la société » :

→ Faire la promotion des compétitions sportives professionnelles et amateures féminines (l’exemple du Handball dans notre région est probant et mérite toute notre attention).

→ Envisager des ateliers vélo dédiés aux femmes (sur le modèle des marches exploratoires).

→ Travailler sur la perception et la sécurité des femmes dans l’espace public et pendant les évènements sportifs en particuliers, en visant à réduire les stéréotypes et les incivilités.

  • Langue et culture bretonnes

Un événement comme celui-ci est l’occasion de promouvoir notre langue et culture régionales et d’aller vers l’objectif de niveau 2 de la charte Ya D’Ar Brezhoneg.

Pour cela nous proposons, dans le cadre d’un partenariat avec la Région Bretagne :

→ Une communication bilingue globale ainsi qu’une communication spécifique en breton seulement.

→ Un speaker en breton et des annonces vocales en breton sur le village (Fan Park).

→ La présence des télés / radios et le commentaire des étapes bretonnes en breton.

→ Un stand de l’OPAB ou d’autres structures sur le Fan Park, des ateliers en breton pouvant faire le lien entre le vélo et le breton.

→ Que l’exposition Histoire du vélo / du Tour en Bretagne soit en bilingue.

Enfin, en guise de conclusion, nous sommes inquiet·e·s des coûts supplémentaires que nos collectivités (ville et métropole) devront assumer, en plus des 420 000 € (300 000 € avaient d’abord été annoncés) qu’elles vont chacune devoir à la Région pour ASO, et ce dans le contexte de crise sanitaire, économique et sociale que nous connaissons tous. Un exemple en particulier dans cette convention a retenu notre attention : la collectivité s’engage à “procéder, sans que le coût n’en soit supporté par ASO, aux travaux de voirie et autres prescrits par A.S.O. pour la sécurité des coureurs et pour la mise en place des installations du Tour de France”. Il nous semble indispensable avant de signer cette convention d’avoir connaissance des travaux précis que va exiger ASO ou prévus par la collectivité, et des coûts que cela va représenter. Nous demandons donc à connaître les travaux nécessaires à la réussite de ce tour, en cours et futurs, et leur montant.

Nous restons bien entendu à disposition des collègues du comité de pilotage et du comité de coordination du Grand Départ du Tour à Brest, pour travailler sur ces sujets en lien avec l’organisateur et dans le cadre de sa politique RSE. Nous avons tous·tes à y gagner.