Lors du Conseil Municipal du 4 février 2025, Glen Dissaux a exprimé à nouveau l’opposition du groupe des élu-e-s écologistes, à l’entrée des Sociétés d’économie Mixte (SEM) locales au capital de Froutven Park. Il met en exergue la part d’argent public mobilisée, directement ou indirectement, dans ce projet privé.
« Monsieur le Maire, Cher-e-s collègues,
Rassurez-vous M. Le Maire, je ne vais pas reprendre tout ce qu’on a dit en Conseil de métropole vendredi.
Ce que je vois, c’est qu’on va donner, pour le moment, près de 50 millions d’euros d’argent public et se porter garant de l’emprunt et de la réussite économique du projet, engager les SEM de la métropole brestoise pour une entreprise privée qui a généré 52 millions d’euros de bénéfices exceptionnels en un an.
Entreprise qui va collecter les bénéfices de l’utilisation de l’équipement, avant de le rendre à la collectivité hors d’état, dans 70 ans. Et ce alors, que la situation budgétaire est extrêmement alarmante et qu’il n’est pas prévu qu’elle s’améliore dans les années à venir.
Je n’ai jamais pensé que l’argent public devait servir à financer l’entreprise privée autrement qu’à la marge, sporadiquement, et avec un contrôle et des engagements tenus, ou dans les entreprises d’intérêt social et environnemental. Donc j’étais pas très fan du CICE, ni « du quoi qu’il en coûte » macroniste. Et on voit dans quelle situation budgétaire ça nous a mis, alors que nos services publics souffrent terriblement.
On peut tourner le problème dans tous le sens : je pense que c’est un risque inconsidéré,
c’est un investissement en pure perte qui nous empêchera d’investir massivement, de rénover plus d’écoles, plus de routes, plus d’espaces verts, de sortir plus de logements aussi.
Petit hasard du calendrier, il y article dans le Monde d’aujourd’hui sur les stades neufs et qui liste tous les échecs.
L’article parle de Bordeaux où le stade coûte encore des millions à la métropole. Aménagée dans une zone trop éloignée du centre-ville, l’enceinte n’a pas su garder le public du stade Chaban-Delmas, antre historique des Girondins. Les descentes sportives ont accentué le manque d’appétit des spectateurs.
« On a conçu le partenariat en imaginant que tout irait bien. Or, tous les signaux d’alerte se sont allumés en même temps : quand les Girondins ont dégringolé, le gestionnaire perdait déjà beaucoup d’argent, et la programmation culturelle n’était pas assez dense pour générer suffisamment de revenus« . Ce sont les mots de la présidente socialiste de Bordeaux Métropole. Et le maire de Bordeaux écologiste de conclure : « Il faut le moins d’argent public possible dans cette aventure commerciale ».
Toujours dans l’article, on évoque les autres stades récents en France. Certes, ces stades étaient souvent surdimensionnés. Mais tous ont affiché, dès la deuxième année d’exploitation, des fréquentations bien moindres qu’attendues.
Nadine Dermit, maîtresse de conférences en management du sport à l’université de Rouen explique : « Les clubs se sont concentrés sur les places à prestation [loges privées, buffet…], qui rapportent plus, en oubliant le public nécessaire pour remplir le stade. » Tiens tiens, toute ressemblance…
A Marseille, bien que le club n’ait jamais eu de problème de remplissage, le Stade-Vélodrome coûte encore 30 millions d’euros par an à la ville, soit trois fois plus que prévu.
Au Mans, le stade coûte depuis 2011, 13 300 euros par jour aux Manceaux, sans qu’il ne s’y passe grand-chose.
Nice Eco Stadium, gestionnaire du stade de Nice, a été placé en redressement judiciaire en 2021 et doit suivre un plan de sauvegarde.
Ces constructions de nouveaux stades ne sont pas des réussites. Ni financièrement ni en terme de remplissage. Par contre, on a des exemples de rénovation, même complexes, contraintes par un environnement dense, qui fonctionnent, et participent d’un marketing territorial basé sur l’identité des clubs et de la ville.
Et jamais ces rénovations n’ont été portées financièrement par la ville seule. Jamais. Le club et les autres collectivités, parfois des entreprises du territoire mettent la main à la pâte et font encore réduire la facture, déjà bien moindre que pour le neuf.
Je rajoute simplement un élément parce qu’on a évoqué en conseil de métropole le football en 2050, en 2070. On n’a pas de boule de cristal, mais pardon on n’est pas loin quand même d’avoir quelques certitudes. Ne serait-ce que sur les déplacements des gens. Par exemple : on sait que ça représente au moins 60% des émissions de GES des stades. Or, à l’image de toute la société, le sport doit réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) et sa consommation d’énergie. Les objectifs climatiques de la Stratégie Nationale Bas-Carbone de la France c’est -83% d’ici à 2050. L’énergie grise dépensée pour les besoins de la construction sera considérable et à l’usage, je ne vois pas comment on peut atteindre cet objectif ?
Enfin un dernier mot, puisque vous l’avez évoqué souvent M. le maire. On a énormément d’exemples de rénovations ambitieuses de stades en ville. Vous aimez bien le Racing Club de Strasbourg.
Mais je comprends : c’est un stade durable avec du remploi de matériel : fuselage d’avion : 20 Airbus A340. Ça s’inscrit dans une vaste rénovation du quartier, il y a des énergies renouvelables, recyclage des eaux de pluie, plantation de 650 arbres, une accessibilité multimodale (tram, train, marche, vélo), des chantiers d’insertion etc ;
Oui, là-bas il a été décidé d’une rénovation du stade. Mais pourquoi ? Pour augmenter sa capacité de 26 000 à 32 000 places, car il est quasiment toujours plein. Ce n’est pas le cas ici.
Parce que le projet sportif est ambitieux, en accord avec leurs capacités d’investissement. Ils visent entre la 4e et la 8e place de la ligue 1, donc des matchs de coupe d’Europe réguliers. Et oui, leurs fonds sont américains, et alors ? On est contre les investissements étrangers maintenant ? C’est le Foot moderne, on peut ne pas l’aimer, mais comme pour toutes les entreprises, les capitaux ont assez peu de frontière. C’est très sympa d’avoir des entrepreneurs locaux, j’attaque jamais cela. Mais il faut comprendre qu’ils ne vont pas éternellement rester propriétaires du club. Que le club sera revendu et potentiellement à des étrangers. C’est le monde du foot.
L’objectif à Brest, c’est d’être entre 10e de ligue 1, 10e de ligue 2. Ce sont les propriétaires du club qui le disent ça. Et c’est normal vu la surface économique et du bassin de population. Il n’y a pas de problème à cela car on peut être ambitieux et aussi sobre et raisonnable. Alors aux gens qui s’enflamment et racontent que Brest est d’un coup devenu un des grands club d’Europe, il faut redescendre un peu. Je rappelle que l’affluence moyenne en ligue 2 à Brest ces dernières années c’est 7 000 personnes. Je sais j’y étais. Et le foot ça va très vite.
A Strasbourg, vous l’avez dit l’autre jour, on est passé de 113 millions avant le début des travaux à 160 millions d’euros sur le stade, en raison du contexte d’inflation. Ce qui est considérable. Une inflation que ne subirait pas le BTP à Brest visiblement car on est toujours sur le chiffre de 106,5 millions ici, 2 ans après son annonce.
Dernier élément pour terminer. Le Racing va payer 2 millions € par an de loyer à la métropole strasbourgeoise. Ici, on a un loyer qui est valorisé, si j’ai bien compris les documents, à 750 000€ par an. Mais en fait, il n’y aura pas de loyers versés pendant 20 ans du club à la métropole, vu le montage financier, puisque le club va verser une avance sur le loyer de 15 millions d’euros pour la construction. Très bien. Mais, on est d’accord que c’est de l’argent dû à la collectivité en vérité, c’est un loyer. Donc il faut l’ajouter à la facture publique. Donc on est à 30.2 millions d’euros de subventions, une part des 11,5 millions d’euros d’investissements votés, une partie des 3,8 millions d’euros des SEM majoritairement capitalisées d’argent public, 15 millions d’euros de loyer, et tout ce qui arrivera sur les engagements à venir, la prise en charge du risque et des surcoûts etc…
Navré, mais on continue de penser que le projet n’est pas bon, et que montage est très à la défaveur de l’intérêt général.«
Retrouvez les interventions en conseil de métropole ici.