Dans son propos liminaire en ouverture du Conseil de Métropole du 29 mars 2021, Marion Maury est revenue sur l’urgence de la transition écologique et sociale.
Propos liminaires
Monsieur le Président, cher·e·s collègues,
Aujourd’hui, a commencé à l’Assemblée Nationale l’examen du projet de loi Climat et Résilience. Malgré la pandémie, les Marches pour le Climat ont repris partout dans notre pays pour en dénoncer le manque d’ambition. Certaines au rythme du slogan : « Conte le réchauffement climatique, il n’y a pas de vaccin! ».
Hier, devant la mairie de Brest, une manifestante brandissait un panneau sur lequel elle avait noté, avec application, les verbatim de tous nos Présidents de la République sur le climat, depuis le rapport Meadows en 1972.
Georges Pompidou, en 1973, déclarait : « Le problème c’est de travailler à faire qu’un bon environnement soit compatible avec le progrès. »
A cette même époque, l’écologiste René Dumont lui signifiait justement que c’était au progrès d’être compatible avec l’environnement. Et il tendait un verre d’eau en disant que l’eau pourrait manquer un jour.
En 1977, Valéry Giscard d’Estaing reconnaissait : « Il y a dans les thèmes de l’écologie un réservoir d’enthousiasme et d’actionpour les jeunes. ».
Dès 1989, François Mitterrand assurait lucidement : « La détérioration de l’atmosphère est aujourd’hui certaine. Ses conséquences peuvent ruiner les possibilités même de la vie sur la planète ».
Chirac, il y a 20 ans, déclarait que la maison brulait.
Ses successeurs déclaraient que ne rien faire étaient criminel.
Et cetera.
Ce que la manifestante hier signifiait c’est cette même idée : voici que s’avance l’immobilisme. Car depuis, et alors que les Présidents de tous bords se succèdent, nous ne sommes toujours pas dans la bonne trajectoire.
En pleine conscience aujourd’hui de l’emballement climatique, nous avons besoin d’une vraie loi Climat et Résilience, à la mesure de l’urgence.
Celle du gouvernement Macron n’intègre qu’une minorité des 149 propositions travaillées par la Convention citoyenne pour le Climat depuis deux ans. Cette convention a été lancée en 2019, on s’en souvient, pour dompter le mouvement social. Elle est traversée à la fois par les luttes pour le Climat et par celles des Gilets Jaunes. Ces deux mouvements auraient pu s’affronter et ont finalement uni leurs messages en déclarant : « injustice sociale, injustice environnementale, même combat ! ».
A l’époque du lancement de la convention Citoyenne, nous écologistes avions salué ce bel exercice de démocratie. Nous savons à quel point la démocratie doit être sauvée de l’inaction, sans quoi elle sera décrédibilisée et inévitablement attaquée violemment par l’extrémisme populiste.
Mais nous voilà maintenant avec un projet de loi Climat qui, de l’aveu même de l’étude d’impact du gouvernement, reste très insuffisant pour réduire les émissions de la France d’au moins 40% d’ici 2030 par rapport à 1990. L’Europe considère que pour atteindre la neutralité pour notre climat il faudrait arriver à 55% de réduction par rapport à 1990.
Ce projet de loi, actuellement en examen, est sévèrement jugé à la fois par les membres de la Convention mais aussi par le Haut Conseil pour le Climat, de même que par le Conseil économique, social et environnemental. Ce conseil économique, social et environnemental (Le CESE), qui vient d‘être réformé, donnera encore moins de place aux associations représentant les plus pauvres. Alors que tout au contraire, la pauvreté s’aggrave et que les personnes touchées devraient être mieux représentées. Le collectif Alerte qui dénonce ce fait rappelle que 15% des Français·e·s connaissent la pauvreté. Les personnes en situation de pauvreté, absentes, ô combien des assemblées parlementaires, veulent pouvoir décider aussi de leur avenir.
Sur l’écologie et la lutte contre la pauvreté, nous activons, à notre niveau de la Métropole, des leviers majeurs. Notre budget pour 2021 le dit clairement.
Il y en a trois leviers cruciaux pour agir sur l’écologie et la lutte contre la pauvreté :
- Les mobilités, notamment au travers de notre projet « Mon réseau Grandit » pour permettre à ceux qui n’ont pas les moyens d’avoir une voiture de se déplacer pour leur travail ou leurs loisirs. Grâce aux tarifications solidaires également, et à la montée en puissance du schéma directeur vélo dont nous attendons que le budget se déploie bien à hauteur des 2 millions d’euros par an en moyenne sur le mandat. Le vélo est en effet aussi un moyen de déplacement peu coûteux.
- L’accès à une alimentation de qualité, au travers notamment des actions solidaires du projet alimentaire territorial (le PAT) dont nous aurons à délibérer ce soir.
- La rénovation énergétique des logements de même que du parc social, à travers des grandes opérations d’amélioration de l’habitat qui permettent aux ménages d’échapper à des factures d’énergie explosives.
Le Plan de Relance actuel est susceptible d’appuyer la Métropole sur certaines de ces politiques. Pour certains sujets, des ajustements seront nécessaires, à l’instar de la difficulté des agences locales pour le climat, comme Ener’gence, à traiter les demandes liées à MaPrimeRenov’ : 9000 dossiers ont été déposés en Bretagne sur ce sujet en 2020, 8000 déjà en 2021. Un tel dynamisme est une bonne nouvelle, si les moyens d’orientation peuvent être soutenus en conséquence.
Il y a peu de temps, dans une instance municipale à Brest, j’ai entendu un élu brestois sur la réduction des places de stationnement nous dire : « Arrêtez de vouloir interdire ! La diminution de l’usage de la voiture en cœur de ville ? Cela va se faire tout seul avec le temps, naturellement, car les jeunes sont plus sensibles à l’environnement ».
Pourquoi avoir adopté un Plan climat métropolitain alors, si l’on croit que tout se fait naturellement en politique ?
Quand je l’écoutais, je me suis dit que contrairement à mai 68, ce sont les jeunes en 2021 qui disent aujourd’hui : « Votez desrègles fortes, c’est urgent ! » alors que leurs aîné·e·s répondent : « Il est interdit d’interdire ! ». Ce renversement est ubuesque.
Un pacte entre les générations est en train de se jouer. Pas seulement à cause du climat, pas seulement à cause des mesures sanitaires liées à la pandémie, mais aussi en raison de leur impact sur les inégalités.
D’un côté, nous avons 1 million de pauvres supplémentaires en France, du fait de la crise, principalement parmi les jeunes qui souffrent les premiers de la réduction des emplois.
De l’autre, nous voyons une inflation qui bénéficie aux propriétaires d’actifs immobiliers, boursiers ou obligataires qui s’enrichissent considérablement grâce à la monétisation par les banques centrales des dettes qui se creusent.
Pour les riches, tout va bien merci.
C’est ce qui fait que le prix de l’immobilier, à Paris par exemple, s’est envolé de 40% en 10 ans, comme dans les autres capitales européennes. C’est ce qui fait que la France compte aujourd’hui 4 fois plus de milliardaires qu’après la crise financière de 2008.
Peut-être sommes-nous plus épargné·e·s en Bretagne, terre moins inégalitaire. Quoique les investisseurs découvrent aussi à quel point nous bénéficions d’une qualité de vie exceptionnelle dans le Pays de Brest. Les médias nationaux éventent ce secret de plus en plus souvent d’ailleurs. Dans une juste mesure, cette reconnaissance pour notre territoire est heureuse.
Il est heureux aussi que notre Métropole puisse, à travers la Convention de lutte contre la pauvreté signée avec l’Etat, obtenir des moyens supplémentaires, notamment pour renforcer le Fonds d’aide aux jeunes.
C’est d’ailleurs intéressant de voir que l’Etat recherche le niveau métropolitain désormais pour les politiques de lutte contre la pauvreté.
Enfin, il est heureux que des moyens supplémentaires soient déployés par l’Etat pour l’embauche des jeunes, notamment pour renforcer l’apprentissage, voie d’excellence – j’en suis convaincue – pour leur insertion professionnelle.
Mais est-ce suffisant? Est-ce que cela équilibre les sacrifices que nous demandons à cette génération ? Oui, c’est dur d’avoir 20 ans en 2020. Macron a raison sur ce point. L’extension du RSA aux jeunes de moins de 26 ans devrait s’imposer à lui comme une mesure de solidarité a minima, vu le contexte.
Dans une croissance qui sera durablement ralentie, nos solidarités collectives doivent être plus fortes pour compenser. Peut-être même devront-elles moins s’appuyer sur le travail salarié. C’est le sujet du revenu universel amené par les écologistes de tous bords, aujourd’hui largement repris et débattu.
Enfin, dans notre Métropole, beaucoup de projets de transition écologique mais aussi de lutte contre la pauvreté sont possibles grâce à l’Europe. Nous pensons, plus que jamais, que c’est un échelon stratégique dans ce combat pour le climat.
Dans le contexte actuel de pandémie, l’Europe peut mutualiser les dettes des États qui se creusent, accélérer la transition climatique par des emprunts européens, créer une fiscalité adaptée pour la décarbonation de nos économies et la lutte contre les inégalités, écrêter les plus grosses rémunérations.
Les 150 citoyens pour le climat ont fait récemment œuvre d’un serment citoyen, en référence à celui du Jeu de Paume de la Révolution française. Est-ce que cela doit nous faire sourire ? Je ne le crois pas. C’est bien les bases d’un nouveau contrat social que nous recherchons.
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