Modification du plan local d’urbanisme : non à l’extension urbaine

Intervention de Glen Dissaux, au nom des élu·e·s écologistes, lors du Conseil de Brest Métropole le 25 mars 2022, sur la modification du Plan Local d’Urbanisme et notamment sur l’ouverture à l’urbanisation de plus de 20 hectares.

Non à l’extension urbaine à Brest

Monsieur le Président, cher·e·s collègues,

Nous allons voter contre cette délibération.

Nous pensons qu’il est temps de repenser ensemble notre vision de la ville. On voit bien que les choses changent vite. La situation n’est pas la même qu’il y a dix ans. Notre PLU date de 2014, et les décisions prises il y a des années peuvent être amenées à être réévaluées.

En ce qui concerne l’aménagement du territoire, nous pensons qu’il faut véritablement élaborer une nouvelle doctrine basée sur la sobriété foncière, la protection de la biodiversité, la fonctionnalité et les usages.

Bien sûr, des ouvertures à l’urbanisation peuvent répondre aux besoins de certains foyers que nous cherchons à garder sur notre territoire. Il faut créer des logements là où il y a de l’emploi, en adéquation avec nos objectifs et avec ce que veulent les Brestoises et les Brestois. Mais il nous faut l’interroger au regard de critères locaux, de critères sociaux, environnementaux et au regard des objectifs opposables au PLU, ceux de la loi climat et résilience, ceux du schéma régional d’aménagement et de développement durable et de nos propres objectifs de réduction des gaz à effet de serre contenus notamment dans notre plan climat air énergie.

Donc ça ne veut pas dire mettre la ville sous cloche, pas du tout. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de superbes projets qui sont sortis de terre ces dernières années, au contraire, et ça ne veut surtout pas dire que nous ne devons pas tout faire pour héberger nos concitoyennes et nos concitoyens dans les meilleures conditions. Mais le temps de l’urbanisme est un temps long, il nous faut le planifier, le prévoir.

Dans quelle ville voulons-nous vivre ? Que souhaitons-nous ? Et qu’est-ce qu’une ville agréable finalement ?

C’est une ambition générale qu’il nous faut. Et tout est lié bien sûr : comment faisons-nous la ville où on ira travailler en transports en commun, en vélo, où on aura un parc à 100 mètres, la boulangerie à 200 mètres, l’école pour les enfants dans la rue, la médiathèque accessible à pieds et cetera ?

Nous faut-il chercher à attirer systématiquement de nouveaux habitants ? C’est une vraie question. Est-ce une finalité en soi ? Si oui, combien ? pourquoi ? De quelle typologie de logements a-t-on besoin pour loger celles et ceux qui habitent déjà ici, qui quittent le domicile parental, qui fondent ou agrandissent une famille par exemple ?

Nous pensons que nous devons nous adapter aux besoins des habitants. Et c’est une chose, c’est très bien d’avoir des statistiques, des projections démographiques ; c’en est une autre de déterminer nos besoins, nos envies pour le territoire. Et nous pensons que le renouvellement urbain, exclusivement, doit nous guider pour requalifier certains quartiers brestois qui ont du potentiel en réinterrogeant notre action sur le logement, le taux de vacance, le sens de nos réserves foncières par exemple.

Des évolutions urbanistiques indispensables

Alors, évidemment, commençons par dire que certaines des modifications contenues dans cette délibération vont dans le bon sens. Ça a été rappelé. On sait dire aussi quand certaines choses sont bienvenues, Monsieur le Président.

Il s’agit ici de choses essentielles : l’intégration du schéma directeur vélo, la prise en compte de la loi littoral, l’identification d’éléments d’intérêt patrimonial (des haies remarquables, des arbres par exemple).

Mais cette délibération nous pose d’autres gros problèmes pour ce qui est de l’ouverture à l’urbanisation. Plus de 20 hectares ici. Je vais vous détailler notre point de vue en trois points.

Une concertation insuffisante

D’abord, la place de la concertation dont on vient de parler.

Il nous est proposé d’entériner les conclusions de l’enquête publique, c’est la suite réglementaire du processus. Mais déjà l’an dernier, quand il s’est agi de valider les orientations prises suite à la concertation citoyenne, nous avions considéré que nous n’avions pas suffisamment pris en compte l’avis des citoyens, en tout cas pas pris le temps d’en débattre (intervention à consulter ici).

On ne pouvait pas se satisfaire d’un rapport annexé à la délibération. Et nous avions déjà dit que nous aurions souhaité des instances de débat et d’échange autour des très nombreuses contributions apportées, effectivement. Et c’est un peu la même chose ici, avec encore plus de documents.

Nous estimons qu’on passe un peu vite sur les divers avis et éclairages, les réserves aussi des personnes publiques et de l’autorité environnementale.

Et on ne peut évidemment pas décorréler la modification du PLU des projets en tant que tels.

Pour ce qui est de la concertation, notre collectivité s’est dotée de formidables outils, et il y en aura d’autres, pour faire participer les Brestoises et les Brestois à la démocratie locale : il y a le budget participatif, les instances locales, la concertation et cetera. Il faut aller au bout de cette logique exigeante, pour nous les élus en particulier, et en discuter.

Une extension urbaine injustifiée

Deuxième point, il y a l’aporie de l’extension urbaine, évidemment.

Notre horizon c’est le zéro artificialisation nette, ça a été dit. Ça veut dire la protection des terres naturelles, agricoles, des zones humides, des haies, des talus, des ruisseaux, des arbres. C’est fondamental et c’est peut-être même l’enjeu majeur, au-delà ou en plus du réchauffement climatique provoqué par nos émissions de gaz à effet de serre.

L’effondrement de la biodiversité est bien réel, il est déjà là, déjà catastrophique. Nous sommes en plein cœur d’une extinction de masse : 68% des vertébrés, 68% de la faune sauvage a disparu en 50 ans. Alors c’est d’une tristesse infinie en soi, déjà, mais il faut imaginer ce que ça veut dire en termes de grands déséquilibres biologiques pour la vie sur Terre.

Nous on croit que c’est notre devoir de protéger cette diversité biologique pour préserver l’habitabilité de la planète.

Dans cette délibération, il y a 8 hectares à Kerlinou qui vont rompre la continuité écologique, impacter les écoulements d’eau, la faune et la flore et ajouter aux problèmes de congestion automobile et de saturation avec de très grandes distances à parcourir pour accéder aux services.

Il y a également 9 hectares à la Fontaine Margot, sur un total de plus de 50 du projet, mais il y a aussi Lavalot, sur une zone humide dont la justification de l’ouverture à l’urbanisation est insuffisante, c’est le préfet qui le dit.

Et en dehors de cette délibération, il y a d’autres quartiers qui posent question : Kérampir, Keramerrien, etc.

Un cadre de vie à repenser

Le troisième point, enfin, c’est la réflexion autour du cadre de vie.

Quelle densité urbaine est souhaitable ? quelle intensité urbaine ? quels services de proximité et pour qui ? Et, évidemment, quelle hauteur des bâtiments ? quelles protections ? quelles limitations ?

On a déjà eu un débat sur la règle du velum, l’année dernière, je ne vais pas y revenir, mais il faudra quand même voir de quelle façon la nouvelle écriture de la règle dans notre document est opérante.

Et à l’inverse, évidemment, voire où précisément il est normal, il est acceptable de monter, de rajouter de la densité sans boucher les vues, les perspectives, l’ensoleillement, sans saturer l’espace.

Nous pensons que nous avons besoin d’un véritable travail d’orfèvre, d’un maillage d’une grande finesse, quasiment parcelle par parcelle, pour aller déterminer la typologie du bâti, la destination, la hauteur, où est-ce qu’on veut une perspective, ou est-ce qu’on veut des commerces, des bureaux, là où on veut du T4, du HLM et cetera.

On pense qu’on peut travailler à une volonté partagée là-dessus en ajoutant du dialogue, parce qu’on voit bien les tensions, les recours, les incompréhensions. Le travail initié et qu’il faut saluer autour de la charte de l’urbanisme, autour de ce qu’on lance, constituera, on l’espère, un vrai point de départ.

Une ouverture à l’urbanisation précipitée

L’ouverture à l’urbanisation de la zone Pierre Sémard dans cette délibération nous semble aussi prématurée.

Il y a un très grand nombre de points à travailler encore, comme le relève la commissaire enquêtrice : le risque de submersion marine, la pollution de la parcelle, la solidité de la falaise, les cheminements piétons et vélos, la densité même du projet en fait, parce que ceux qui connaissent le rond-point Herman Melville, dit rond-point du gaz, à huit heures et demie le matin ou à dix-huit heures le soir, voient que c’est déjà une zone qui est très congestionnée.

Le manque de services dans la zone, de transports en commun et cetera, pose aussi question. La hauteur, le volume des barres est encore bien trop imposante à notre avis. Donc ce gros projet, nous on pense qu’on n’est pas encore mûrs et que sa densité n’est pas justifiée en l’état.

Quelle vision de la ville partage-t-on ?

Donc pour conclure, je repose juste cette question : quelle vision de la ville partage-t-on ?

On a bien vu que la mission régionale d’autorité environnementale, le préfet, la CCIMBO, la Chambre d’agriculture ont émis des réserves sur l’ensemble des projets de cette délibération.

Nous pensons que nous pourrions prendre le temps de poser les choses, d’en reconsidérer certaines, peut-être. On pourrait le faire au vu du contexte global que nous connaissons : les enjeux climatiques évidemment, dont on sent déjà les effets, et bien entendu, la hausse des coûts dans le bâtiment, la hausse des tarifs de l’énergie, la question que ça pose sur les trajets quotidiens, sur les difficultés à se loger des Brestoises et des Brestois.

Donc pour toutes ces raisons, nous aurions préféré attendre un peu sur cette modification du PLU, le temps d’en débattre plus largement. Et nous voterons contre, parce que nous pensons que collectivement nous pouvons revoir notre façon de faire de l’urbanisme à Brest. Nous espérons que la prochaine révision du PLU sera déterminante et pourra se faire.

Je vous remercie.


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