En liminaire du Conseil de Métropole du 31 janvier 2025, Glen Dissaux est intervenu pour adresser une pensée aux victimes des inondations de l’Ille-et-Vilaine et du Morbihan. Il rappelle l’importance des choix en matière d’aménagement du territoire pour améliorer la capacité d’adaptation de celui-ci au regard du changement climatique.
« Monsieur le Président, Cher-e-s collègues,
Je voulais avoir une pensée pour nos amis d’Ille-et-Vilaine qui ont les pieds dans l’eau.
C’est dû à la météo évidemment, et à la pluviométrie très importante depuis le début d’année, on a pu s’en rendre compte ici aussi, ça tombe pas mal.
Il faut quand même redire que le changement climatique va entraîner de plus en plus d’épisodes similaires : des sécheresses en été, des pluies fortes et donc des inondations en hiver.
Et malheureusement, on a une sorte d’amnésie collective quand on parle de ces catastrophes, on a oublié que ça pouvait arriver et surtout, on a du mal à en tirer les conclusions.
Dans ce contexte de changement du régime des pluies, de phénomènes plus réguliers, plus forts, et bien notre vision de l’aménagement du territoire, et notre gestion des crises climatiques feront d’énormes différences à l’avenir, et nous aideront – ou pas selon nos choix – à protéger les populations, leurs biens et leur vie.
On commence à avoir des études de plus en plus précises sur le coût à venir de l’inaction climatique, les assureurs savent bien de quoi je parle puisqu’on a de plus en plus de biens inassurables.
L’impact des pluies est intensifié par l’urbanisation et l’artificialisation des sols, le lien entre inondations et artificialisation est très clair, l’eau monte plus vite. Or, on a perdu des zones humides, des talus boisés, des petits cours d’eau sinueux, des capacités d’infiltrations des eaux et des obstacles à la crue.
Entre 1970 et 2010, la Bretagne a perdu près des trois quarts de ses prairies naturelles, par exemple. C’est la région de France qui a connu le plus important recul, comme nous l’indique le Conservatoire botanique national de Brest dans un excellent article de la presse locale d’avant-hier.
Alors on peut remettre une pièce dans la machine sur le ZAN, on peut convenir que la méthode n’est pas la bonne ou que c’est injuste, brutal tout ce qu’on veut mais une chose est sûre : nous allons devoir mieux faire pour concilier notre besoin indiscutable et absolu de production de logement, que personne ne discute et qui est fondamental, avec la protection des biens et des personnes, et donc la préservation des espaces naturels et agricoles dans des logiques de territoires où chacun n’essaie pas de tirer la couverture à soi.
Pour revenir à la situation de nos amis rennais, on paie aussi les conséquences du remembrement, dont la philosophie perdure, et si on voit des lotissements touchés, les agriculteurs sont les premières victimes, avec des impacts directs sur les cultures, et des enjeux sanitaires et de pollution derrière puisque l’assainissement déborde aussi.
En Ille-et-Vilaine, « 90 % des cours d’eau sont curés, élargis et/ou canalisés » (souvent en ligne droite) comme le rappelle l’Office français de la biodiversité (OFB) dans un autre excellent article d’un autre titre de la presse locale d’hier cette fois. Or, « en rectifiant les cours d’eau et en drainant les zones humides, on a aussi réduit la capacité d’infiltration de l’eau dans le sol ». Ce qui aggrave les sécheresses mais aussi… les inondations.
Voilà le genre d’expertise que peut nous dispenser l’OFB auquel les écologistes apportent tout leur soutien : parce qu’ils sont en grève aujourd’hui face aux attaques et aux pressions. C’est totalement inédit. Leur action est remise en cause par des responsables politiques et des syndicats agricoles, c’est assez dingue, et le soutien des pouvoirs publics est pour le moins timide.
Vous vous souvenez de leur bureau brestois en feu quai de la douane ; personne n’a été condamné pour ça. Et il y a eu d’autres cas d’attaques en France ces derniers mois et la seule réponse de certains, à droite, c’est «supprimons-les», comme d’autres agences de l’énergie notamment, tout aussi importantes.
Ils sont pointés du doigt, à l’image des inspecteurs du travail, des inspecteurs sanitaires et sociaux, qui sont parfois menacés et dont l’activité de protection des salariés et des consommateurs et aussi violemment remise en cause par certains.
Les agents de l’OFB ne sont pas des ennemis à abattre, ce qu’ils font, ils le font aussi pour que les agriculteurs aient un avenir : pour une gestion durable de l’eau, protéger les habitats naturels, les insectes pollinisateurs, les sols fertiles, protéger les cultures des aléas climatiques. Certains agriculteurs le savent mais ce ne sont pas ceux-là qu’on entend. C’est l’OFB qui fait respecter les règles sur les pesticides, le respect des arrêtés sécheresse, la lutte contre le braconnage ou le trafic d’espèces protégées par exemple, et contre l’arrachage de haies. Leur action est primordiale.
Je termine sur ce sujet. Dans de nombreux endroits on n’a plus de haie et de talus où on continue à les abîmer. J’en profite, sur une note plus positive pour saluer une grande avancée au Sénat cette semaine grâce au sénateur Salmon, d’Ille-et-Vilaine justement, qui a fait voter une proposition de loi sur la reconquête des haies, qui est un formidable signal pour l’ensemble des acteurs de la filière, qui pourront utiliser de nouveaux outils incitatifs pour leur gestion durable, bons pour leur revenu, bons pour la biodiversité.
Je vous remercie. »
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