Le 10 octobre 2025, le Conseil de Métropole délibérait sur la déclaration d’intérêt général du projet de stade de football au Froutven. Cette même délibération prévoyait la mise en compatibilité du Plan Local d’Urbanisme à ce projet. Glen Dissaux, Président de groupe, a exprimé l’opposition ferme des Écologistes sur ces deux points.
« Monsieur le Président, Cher-ère-s Collègues,
En réponse à un autre Vice-Président du conseil de métropole :
Je n’ai pas pour habitude de répondre aux injonctions de collègues ou autres. Surtout pas à des propos outranciers et caricaturaux. Encore moins de la part de gens dont les amis et les formations politiques sont largement responsables de la brutalisation du débat démocratique. Donc, je m’abstiendrai sur ce côté-là.
Comme j’ai le respect des institutions, et de cette instance en particulier, et le respect de la loi aussi pour ce qui me concerne, je resterai sur la délibération. C’est à dire sur la notion d’intérêt général que nous allons étudier. Que nous sommes censés étudier. Mais il n’a pas été question de cela dans l’intervention du collègue.
L’intérêt général : pierre angulaire de l’action publique
L’intérêt général, c’est la pierre angulaire de l’action publique, disait Max Weber. C’est l’intérêt général qui détermine le champ des prérogatives de la puissance publique. C’est en fonction des besoins collectifs qu’on a défini au gré de l’évolution des valeurs de la société. C’est étroitement lié aux notions d’équité, aux notions de justice et au droit au sens large. Droit qui évolue d’ailleurs, comme récemment où l’on a intégré dans ce socle la défense de l’environnement et le souci des générations futures.
Et donc poursuivre des fins d’intérêt général, parce que c’est de cela dont il est question, c’est entreprendre des actions qui présentent une valeur, une utilité pour toutes et tous, et de les faire prévaloir sur certains intérêts particuliers. C’est ça la mission du service public.
Je pose ça ici parce qu’on s’apprête à déclarer d’intérêt général et donc à modifier les règles d’urbanisme pour la construction d’un complexe de loisirs.
Un projet qui va à l’encontre de tous nos engagements climatiques dont ceux votés ici à l’unanimité.
Cher-e-s collègues, un projet qui va plomber notre bilan carbone tant sur la construction, l’utilisation des ressources, de l’énergie et l’usage en termes de besoins énergétiques, en termes de flux de déplacement automobile en particulier.
Et comment prétendre sérieusement qu’on accorde de l’importance à notre plan climat, qu’on respecte toutes les trajectoires locales, régionales, nationales de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre et nos objectifs d’adaptation au réchauffement climatique ? Comment demander à nos concitoyennes et concitoyens, aux acteurs économiques du territoire de faire des efforts de sobriété, de mieux consommer, d’être exemplaires ?
Un projet qui abîme la biodiversité, qui menace des espèces protégées, qui grignote des terres naturelles et agricoles.
Et là où je rejoins le collègue, effectivement, je suis assez d’accord pour que toutes celles et ceux qui vont dégrader l’environnement qu’ils soient punis. Et donc, ça risque d’impacter tous ces corridors naturels, ces terres naturelles, la ressource en eau aussi. Et ça, ce sera notre véritable richesse dans quelques décennies : notre capacité à avoir des terres nourricières, des espaces verts, une ressource non polluée. Il faut lire quand même l’avis de l’autorité environnementale, l’avis de la MRAE, l’avis des ONG. Il faut écouter les scientifiques. On a un certain nombre de partenariats et on s’en réjouit dans cette collectivité avec le monde scientifique. Écoutons-les. Il n’y en a pas un qui dit que c’est une bonne chose et que nous n’allons pas dans le mur avec ce projet.
Un centre commercial géant qui va contribuer un peu plus à vider le centre-ville de Brest
On s’apprête à déclarer d’intérêt général un complexe, un autre centre commercial géant qui va contribuer un peu plus à vider le centre-ville de Brest en y détruisant un symbole de son identité sportive et concurrencer nombre d’autres équipements sur la métropole. Là, on acte la destruction programmée d’un élément du patrimoine brestois pour un équipement en périphérie métropolitaine sous couvert d’assurer l’avenir du club mais en vérité qui le met sacrément en danger en quittant son enceinte mythique, on l’a lu dans la presse et en choisissant de ne pas investir dans le sportif pour justement garder des réserves et des sous sur ce projet qui ne tient pas debout.
Un projet entrainant des nuisances, problèmes de circulation et de sécurité
On s’apprête à déclarer d’intérêt général un projet qui va entraîner des nuisances, des problèmes de circulation et de sécurité massifs à un point névralgique de la ville dont il faudra par ailleurs probablement bloquer la principale artère routière au moins 17 fois dans l’année, jusque 25 fois nous dit l’enquête publique. On prévoit un équipement là-bas où il va falloir faire venir 5 000 voitures en plus dans la zone.
Un projet dont personne ne connaît le coût réel et surtout pas la part d’argent public nécessaire à sa réalisation.
Ce sera combien au final ? 50, 60 millions ? Qui peut croire encore au coût annoncé de 106,5 millions d’euros ? Franchement, avec la hausse des coûts massifs dans le BTP, avec l’inflation, avec les aménagements qui sont pas comptés en plus, avec les imprévus ? Qui peut croire à ce mensonge ? Tous les autres projets de ce type, je suis désolé, ils ont pris 20, 30, 40 jusqu’à 60 % parfois en deux ou trois ans. Qui a cru d’ailleurs que ce stade serait financé à 100 % par des fonds privés comme cela avait été annoncé d’abord ?
Et qui croit surtout, qu’avec l’économie du foot français qui est en très grande difficulté, avec la baisse des droits télés, avec la dynamique de rachat par des fonds étrangers, la multipropriété, on peut regarder l’avenir sportif avec des ambitions démesurées et s’imaginer que le stade Brestois peut regarder plus haut, et qui peut assurer d’ailleurs que le club ne sera pas vendu dès la réalisation du stade. C’est arrivé ailleurs, c’est arrivé très proche de nous. Vous pensez qu’on récupérera nos billes dans ce cas-là ?
Un investissement au-delà de ce que peut vraiment la métropole
Qui peut assurer enfin que dans le contexte de contraction budgétaire extrêmement forte que nous vivons, où la France doit rembourser une dette colossale, où les collectivités locales sont et seront à n’en pas douter mises à contribution pour réduire les dépenses, où il nous faudra payer l’emprunt, les emprunts des politiques métropolitaines, l’emprunt du tram entre autres. Nous pouvons nous permettre de mettre des dizaines de millions d’euros directement et indirectement, de mobiliser nos services, de nous engager pour 50 ou 60 ans, de garantir l’emprunt bancaire, de mettre nos entreprises publiques locales dans le coup, au bénéfice d’une entreprise privée qui au passage a généré un chiffre d’affaires record en 2024-2025 et qui même comme ça qui annonce elle-même ne pas être viable et équilibrée sans vente d’actifs.
Donc on s’appauvrit, on réduit nous-même nos capacités d’action sur ce dont on aura besoin collectivement et ce alors qu’on peut rénover Francis Le Blé pour beaucoup moins cher, y compris en en faisant un équipement métropolitain.
Un projet contraire à l’intérêt général
Donc évidemment, ce n’est pas dans l’intérêt général ce qu’on est en train de regarder là. C’est exactement contraire à l’intérêt général. Contraire à l’intérêt du monde qui vient où on aura besoin d’investir massivement pour protéger nos concitoyennes et nos concitoyens, pour végétaliser, pour réparer des routes, pour faire des voies cyclables, pour construire et rénover des logements, les écoles, les EHPADs, décarboner notre économie et nous adapter.
Ce qui vient, c’est un monde à + 4 degrés. C’est un monde impacté fortement par le changement climatique et la raréfaction des ressources. C’est un monde qui va, qu’on le veuille ou non, bouleverser nos modes de consommation, nos modes de déplacement et peut-être même notre façon de jouer au foot. C’est un monde où on aura beaucoup moins d’argent pour faire face à ces défis. Alors, c’était peut-être une idée intéressante il y a 25 ans, je sais pas, mais c’est maintenant une véritable aberration que de penser faire ce stade comme ça. Personne d’autre nulle part en France, notre projet comme ça aujourd’hui, c’est ni soutenable ni équitable et je pense vraiment que c’est pas non plus souhaité par la population.
Alors, je sais bien que je ne vais pas faire chavirer les votes cet après-midi, mais je vous invite quand même, cher-e-s collègues, à bien peser votre vote avant de lever la main, de mesurer la signification.
On sera comptable de ce choix et de ses conséquences pendant très longtemps et on devra le justifier face aux générations futures.
Moi, je veux pouvoir regarder mes enfants dans les yeux quand ils me demanderont ce qu’on a foutu. Je ne suis pas juste triste parce que je pourrais plus m’asseoir dans les tribunes de Francis Le Blé les soirs de match. Mais je suis en colère parce qu’on fait une énorme connerie et on peut encore reculer dessus. Je vous remercie. »
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