Glen Dissaux – Propos liminaires en Conseil Municipal

Retrouvez les propos liminaires portés par Glen Dissaux lors du Conseil Municipal du 30 mars 2023, pour dénoncer l’usage disproportionné de la force à l’encontre des manifestants de Sainte-Soline et de ces conséquences dramatiques. Plus globalement, la répression, par le gouvernement, du mouvement social et des luttes écologistes est un scandale que rien ne justifie. Le droit de manifester est un droit fondamental que doit garantir la puissance publique. Violences policières et brutalité tactique doivent cesser.

Propos liminaires

M. Le Maire, cher-e-s collègues,

La colère et la violence atteignent un niveau rare dans notre pays. Il y a le feu. Mais à qui la faute, franchement ? Le gouvernement n’écoute pas les français, s’obstine, ignore les parlementaires et les corps intermédiaires. Le Président gouverne avec condescendance et brutalité.

« Arrogant, autoritaire, inquiétant » : voilà la perception du Président de la République selon un sondage récent. Lui et son gouvernement jettent constamment de l’huile sur le feu. A l’aveuglement du Président s’ajoute une répression du mouvement social et des luttes écologistes, que rien ne justifie.

Nous écologistes, nous sommes non violents, nous condamnons toutes les violences. Quelques actes de vandalisme d’une poignée de casseurs ne peuvent légitimer un détournement des missions de la police républicaine contre son peuple.

Des images insoutenables des manifestations parisiennes inondent les réseaux sociaux : on y voit des manifestants pacifistes, grands-pères, jeunes femmes, des adolescents, qui pourraient être vos enfants, se faire insulter, matraquer, charger. Des policiers en civil, CRS et BRAV-M font régner la terreur dans la rue. La technique de la nasse, pourtant interdite par le Conseil d’État, est assumée par le Préfet de police de Paris. Les gaz lacrymogènes, LBD, grenades de désencerclement pleuvent, les gardes à vue arbitraires se multiplient.

Et ce week-end, il s’est produit un évènement particulièrement grave, avec un lourd bilan humain, qui croyez-moi fera date..

A Sainte-Soline, une manifestation dans un champ s’est transformée en scène de chaos avec plus de 200 blessés, dont certains mutilés. Et 40 blessés parmi les forces d’ordre. Souhaitons-leur évidemment un prompt rétablissement. Deux personnes, dans le coma, sont entre la vie et la mort.

Ce bilan est celui du Ministre de l’intérieur, incapable de faire respecter la loi sur le partage de l’eau, qui protège la construction illégale de ces méga-bassines qui privatisent une ressource commune, qui devient de plus en plus précieuse, pour une minorité de tenants de l’agriculture intensive. C’est lui qui a interdit une manifestation parfaitement légitime : sans ce déploiement inouï de forces de police, il y aurait juste eu… Une marche dans des champs. Il n’y avait même rien à abîmer ou détruire sur place.

Des rassemblements non violents sont prévus à 19h dans toute la France en soutien aux victimes, et j’ai échangé avec des manifestants restés très loin des échauffourées et qui sont complètement traumatisés par ces explosions de grenades et ces scènes de guerre. Je m’y rendrai tout à l’heure et j’appelle à ce que ça se passe dans le plus grand des calmes.

Alors, que s’est-il passé ? 3200 policiers, des quads, des hélicoptères et 5000 grenades lancées pour protéger… un trou dans la terre. Des élus qui protégeaient les blessés ont été pris pour cible. La débauche de moyens dépêchés contre les opposants écologistes contraste avec la tranquillité dont jouissent les tenants de l’agro-industrie.

Avant hier, une chambre d’agriculture et un syndicat agriculteurs, auquel se sont joints des chasseurs, ont essayé d’empêcher la venue de la secrétaire nationale d’EELV, Marine Tondelier, dans le Lot et Garonne, leur fief disaient-ils, ils allaient lui casser la gueule, ça allait mal finir. Évidemment, elle ne s’est pas laissée intimider, son passeport lui permettant aussi de voyager dans le Lot et Garonne comme elle le dit. Je vous invite à lire le récit effarant qu’elle en fait.

Je pense aussi à Morgan Large, infatigable journaliste qui révèle des scandales sanitaires de l’agro business, qui pour la deuxième fois a trouvé les roues de sa voiture desserrées. Je salue et j’admire le courage de ces femmes. Ce qui leur arrive, ça, c’est du terrorisme au sens propre : l’emploi de la terreur à des fins idéologiques. Ça c’est des comportements de mafieux. Pas Sainte-Soline. Pas les manifestations et rassemblements contre le retraites ou les projets climaticides et injustes.

Sainte Soline, c’est un véritable scandale d’Etat dont le ministre de l’intérieur devra répondre. Dans quel pays après avoir mis 2 manifestants dans le coma la chaîne de commandement ne s’interroge pas sur la méthode de maintien de l’ordre et le ministre peut-il rester en poste ?

On commençait a avoir l’habitude des mensonges et approximations du gouvernement sur les retraites, mais cette fois les nouveaux mensonges du ministre de l’intérieur laissent un goût de sang dans la bouche.

Après le fiasco du stade de France – Rappelez-vous, c’étaient évidemment le fait de hordes de supporters anglais venus sans ticket, ce qui a été prouvé, était factuellement totalement faux, et bien dû à une gestion à côté de la plaque du maintien de l’ordre.

Les mensonges de Darmanin sur Sainte-Soline ont éclatés au grand jour :

  • Des armes de guerre dont des grenades GM2L classées arme de guerre A2 ont bien été utilisées, on les sait, les images le prouvent. Il y a une photo d’un député européen avec un de ces engins qui passe juste au-dessus de sa tête.
  • Des brigades motorisées, en quad ont bien utilisé des LBD, on le sait, les images le prouvent.
  • Les secours ont bien été empêchés d’arriver rapidement sur site, on le sait, un enregistrement dévoilé par Le Monde le prouve, contrairement à ce qu’affirme Darmanin.
  • Des gaz lacrymogènes ont été envoyés sur des blessés, on le sait, on a aussi les images.

Tout cela laissera des traces profondes et notre jeunesse, évidemment, avec toute la société, se tourne parfois vers la violence. La criminalisation du mouvement social et des luttes écologistes est absolument scandaleuse et nous entraîne vers le chaos : c’est un dévoiement idéologique des missions de la police, une atteinte aux libertés fondamentales.

Le Ministre Darmanin peut dissoudre autant de collectifs et d’associations qu’il le souhaite, il ne bridera pas l’expression constitutionnelle, libre et légitime du peuple. Par contre, il pousse le pays dans les bras de l’extrême droite de Le Pen avec laquelle il partage ses votes, propos, et idées politiques.

La doctrine du maintien de l’ordre dans notre pays est extrêmement préoccupante et constitue une menace à l’encontre de notre démocratie et ses principes fondamentaux :  Il y a une radicalisation de l’usage disproportionné et illégitime de la violence de la part des autorités – notamment contre la jeunesse, alors que des milices d’extrême-droite sévissent en toute impunité :

Ou en est-on de la dissolution des milices fascistes à Lyon, qui multiplient ratonnades et batailles rangées ? Et où est le soutien de l’État, pourtant si prompts à se réclamer des valeurs de la République lorsque le domicile du Maire de Saint-Brevin est incendié par l’Extrême-Droite ?

Les violences policières ont atteint un niveau inédit dans notre pays. Amnesty International a lancé une alerte. Le défenseur des droits et le rapporteur spécial de l’ONU parlent de leur « vive préoccupation », la Ligue des Droits de l’Homme met en cause les forces de l’ordre et dénonce un « usage immodéré et indiscriminé de la force ». Le Conseil de l’Europe met en garde contre un « usage disproportionnée de la force ».

Le droit de manifester est un droit fondamental que doit garantir la puissance publique. Violences policières et brutalité tactique doivent cesser. Le Gouvernement doit mettre fin à cette fuite en avant. Il est responsable de ce qui se passe. Le pays a maintenant besoin d’une réponse politique à la hauteur. Il faut en finir avec l’autoritarisme et repenser en profondeur notre doctrine du maintien de l’ordre public.