Dissolution des Soulèvements de la Terre : Découvrez l’intervention de Glen Dissaux lors du Conseil de Métropole du 23 juin 2023.
» On ne dissout pas un soulèvement, on ne dissout pas ce qui repousse, on ne dissout pas une idée. «
Propos liminaires
M. le président, chers collègues,
Vous avez peut-être lu ce matin dans la presse des articles sur la canicule marine : la température moyenne à la surface des océans a atteint un record absolu, avec des anomalies de température de plus 5 degrés. C’est du jamais vu ; l’océan absorbe 30 % du CO2 émis par les humains, et il se réchauffe extrêmement vite, plus vite que prévu : ce qui se passe, c’est équivalent d’incendies sous-marins, qui vont provoquer des mortalités massives d’espèces.
Sur la terre aussi, les moyennes saisonnières sont supérieures de 6 degrés en Juin. 2022 a été plus chaud que 2021 qui lui-même était un record. Le continent européen se réchauffe deux fois plus rapidement que le reste du monde. On commence à bien comprendre les énormes problèmes que ça va très vite engendrer : les multiplications des sécheresses, le stress hydrique, la ressource en eau et son accaparement par certains, sur le foncier, l’agriculture, les migrations climatiques en Bretagne, la pression sur le littoral, etc.
Pour alerter sur ce réchauffement climatique, et pour qu’on ait des politiques à la hauteur des énormes défis, au lieu de l’inaction actuelle ou pire, de décisions qui nous enfoncent, c’est à dire qui à la fois accentuent les conséquences pour les pays du sud, les plus touchés, et nous empêcherons de nous adapter correctement à ces changements, et bien pour cela il y a des militants, des gens, des groupes, des partis politiques, des associations, collectifs, qui luttent et se battent pour notre avenir.
Est-ce qu’on est d’accord avec tout ? Non, bien sûr. Est-ce que parfois les modes d’actions ne sont pas contestables ? Bien sûr que si.
On peut avoir des désaccords, mais sur les libertés publiques nous devons tous être vigilants en tant qu’élus de la république. Or ce qui se passe avec ce gouvernement, avec la criminalisation du mouvement social, de mouvements contestataires, du militantisme écologiste, est extrêmement grave et préoccupant.
On peut se combattre politiquement mais quand on en arrive à instrumentaliser l’anti-terrorisme contre des gens qui n’ont rien à se reprocher et qui sont des militantes t militants politiques, en très grande majorité pacifistes, c’est très grave.
La répression policière des manifestations, les entraves aux libertés des associations et de la société civile en général : contrat d’engagement républicain, extension des possibilités de dissolution, surveillance disproportionnée, procédures baillons, tout cela témoigne de la dérive autoritaire et de la stratégie permanente du passage en force.
Et donc, avant hier, le 21 Juin, on a battu des pics de chaleurs, un nouveau rapport nous apprend que les glaciers fondent plus vite que prévu, le secrétaire général de l’ONU est à Paris et déclare « Nous menons le combat de nos vies et nous sommes en train de perdre car nous roulons sur l’autoroute vers l’enfer climatique le pied sur l’accélérateur ».
Ce même jour, le geste fort et « symbolique », comme l’a dit le gouvernement, en réponse, c’est de dissoudre une organisation sans véritable représentant : les Soulèvements de la Terre. Cette dissolution n’aura évidemment aucun effet concret et même renforcera probablement la détermination de certains.
En criminalisant les défenseurs de l’environnement, on criminalise la cause qu’ils défendent et on radicalise les rapports. Et il est particulièrement malhonnête de mettre sur le même plan les milices ultra violentes d’extrême-droite, racistes, qui s’en prennent à des êtres humains, et des lanceurs d’alertes qui ont écoutent ce que disent les scientifiques et le secrétaire général des Nations unies.
On leur reproche d’avoir organisé des marches et actions dans les champs à Sainte Soline, l’envie de saboter du matériel en résumé. Mais enfin, ça fait des dizaines d’années que certains intérêts, par exemple du côté de la pêche, ou bien de la FNSEA, sont autrement plus violents et destructeurs dans leurs actions : Il y a quelques mois un groupe d’individus parfaitement identifiable a incendié les locaux de l’Office Français de la Biodiversité sur le port de Brest quand même ! Il y a eu des interpellations ? Des propos du ministre de l’intérieur ? De la surveillance ? Des dissolutions ?
Je ne vous fais pas la liste des endroits saccagés, bureaux, mairies, locaux associatifs incendiés ; Mais bon, la facture des bonnets rouges en 2013 c’est 3 Milliards d’euros, le centre des impôts à Morlaix en 2014, la nuit de l’élevage en 2015 etc. beaucoup s’en rappellent.
La différence de traitement entre les syndicats de l’agrobusiness et les collectifs écologistes est incompréhensible et injustifiée. Et pour autant, ils sont coupables d’atteintes bien plus graves, faut-il dissoudre la FNSEA ? Bien sûr que non.
Le tournant illibéral que prend la présidence d’Emmanuel Macron est une menace sur nos libertés publiques, sur notre démocratie et sur la cohésion de la nation. Avec l’arsenal juridique d’exception qui est passé dans le droit commun, il y a de quoi être inquiets.
Et pour ce qui est des soulèvements de la terre, on ne dissout pas un soulèvement, on ne dissout pas ce qui repousse, on ne dissout pas une idée.