Lors d’une interview donnée à Ouest France parue le 20 avril dernier, Glen Dissaux insistait sur l’importance du rôle que chacun a à jouer face au changement climatique. Vice-président de Brest métropole en charge du Plan climat, il préconise un nouveau modèle de métropole « basé sur la sobriété » et mise sur « la verticalité, l’habitat partagé, les espaces collectifs ».
Pensez-vous que la métropole de Brest relève les défis écologiques ? Qu’elle anticipe l’impact du changement climatique ?
Diminution de nos émissions de gaz à effet de serre, engagements sur l’Agenda 2050, réponses adaptées aux besoins de logements de la population… Face à l’urgence climatique, Brest métropole ne cesse de poursuivre et d’intensifier ses efforts. Pour affronter ces nouvelles contraintes, qui vont encore s’accentuer, sur l’eau, l’énergie, la consommation ou l’alimentation, il s’avère impératif de repenser nos modes de vie et de préserver nos espaces naturels. Sinon, on va droit dans le mur. À Brest, on a réalisé, par exemple, que le modèle d’étalement urbain, le pavillonnaire en particulier, est à bout de souffle. On repense, en urgence, notre politique de réaménagement de l’espace pour assurer l’attractivité de notre territoire.
Quels risques pèsent sur Brest ?
Brest est exposée à trois risques principaux : les inondations, la submersion marine et l’érosion côtière. La ville est aussi concernée par le phénomène d’îlots de chaleur urbains, qui se caractérise par une différence de température nocturne entre ville et campagne environnante. En effet, les surfaces minérales (béton, bitume) des sols et bâtiments, restituent, la nuit, la chaleur emmagasinée durant la journée. Brest va connaître des vagues de chaleur l’été. L’été 2022, caniculaire, pourrait devenir la routine. Nous serons de plus en plus exposés à une grande sécheresse et à des problèmes d’approvisionnement en eau.
Brest métropole doit relever des défis majeurs afin d’atteindre les objectifs fixés pour lutter contre le réchauffement climatique. Il faut éviter un réchauffement de 2°, limite au-delà de laquelle les effets du réchauffement seront terribles. Cela arrivera si nous ne nous engageons pas dans une transition rapide et radicale pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre.
Quel modèle de métropole préconisez-vous ?
On prône un nouveau modèle basé sur la sobriété, un modèle plus économe, plus axé sur les usages. On mise sur l’innovation, la verticalité, l’habitat partagé, les espaces collectifs et la qualité architecturale. Il faut arrêter de s’étaler, en refaisant la ville sur elle-même. Il ne s’agit pas du tout de stopper le développement, de mettre la ville sous cloche ou de cesser d’accueillir des gens. Au contraire, je suis certain que Brest va attirer de plus en plus de nouveaux habitants, attirés par la qualité de vie, par une métropole équilibrée entre les impératifs d’habitat et la protection de l’environnement. Pour l’avenir, tout est question d’équilibre, entre la consommation et l’alimentation, entre le travail et les déplacements, entre le logement et la protection de l’environnement. Avec de vraies garanties sur la protection des espaces naturels les plus sensibles, sur les corridors écologiques et les zones humides.
La place accordée à la voiture, à Brest, représente un quart de la surface totale. Un quart. C’est énorme !
Oui, la voiture congestionne notre ville et pollue notre air. La recherche de place génère à elle seule 30 % du trafic automobile dans la métropole brestoise ! Il faut rendre la ville toujours plus attractive, tout en réduisant l’usage obligatoire de la voiture : zones piétonnes, pistes cyclables, parkings relais et souterrains, modes de transport plus durables, avec la 2e ligne de tram en 2026, les solutions se mettent en place… Pour réduire la pollution atmosphérique, la loi Climat et résilience doit transformer Brest en zone à faibles émissions (ZFE), à partir du 1er janvier 2025. À terme, les véhicules polluants ne pourront plus circuler en ville. Les gens doivent changer leurs habitudes, ce n’est pas facile.
En février 2023, la Mission régionale d’autorité environnementale, la MRAe de Bretagne, dénonçait la modification du plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) de Brest Métropole, décidée pour artificialiser 80 hectares de terres…
Il faut stopper d’artificialiser les sols. Quand une instance comme la MRAe de Bretagne émet un avis aussi négatif, elle dénonce forcément d’importantes lacunes sur la démarche d’évaluation environnementale. Des lacunes déjà constatées lors des précédentes modifications et qui persistent néanmoins. Elle a pointé un manque de justification des besoins d’extension de nouvelles zones et remarqué l’absence de solutions de substitution raisonnables. La MRAe a aussi critiqué le manque de détails dans les orientations d’aménagement : comment fait-on pour préserver les trames verte et bleue ? Ou la qualité des paysages, si cruciale sur notre littoral ?
Cet avis nous a fait comprendre que, si aucun élu ne conteste l’impact des activités humaines, le rythme d’artificialisation des sols reste trop important. Voire insoutenable, car les sols remplissent de nombreuses fonctions écologiques essentielles, comme le stockage du carbone, l’infiltration de l’eau.
À notre arsenal légal se rajoute désormais la loi du 20 juillet 2023. Dite « loi ZAN », elle apporte des ajustements à la loi Climat et résilience, afin de mieux accompagner les élus locaux. La loi ZAN précise les modalités d’atteinte de l’objectif de Zéro Artificialisation Nette en donnant davantage de pouvoir aux collectivités. L’artificialisation des sols devra donc être compensée par des opérations de renaturation dans des proportions de plus en plus importantes, jusqu’à ce qu’elle soit entièrement compensée en 2050.
Vous dénoncez un projet « climaticide », la construction du nouveau stade au Froutven. Pourtant, ça avance…
Notre position reste la solution, tellement moins coûteuse, de rénover l’ancien stade Francis-Le Blé, au cœur de la ville, avec son ambiance chaudron, son histoire et son identité brestoises. Bien sûr que l’on soutient le foot mais pas quand il exige un projet climaticide, décidé en 2004, un temps révolu ! Des tonnes d’acier et de béton dans une zone naturelle protégée, la destruction annoncée d’espèces végétales et animales alors qu’on est arrivés à une ère d’extinction massive ! Chacun est amené à faire des efforts, à changer ses habitudes, à limiter son empreinte carbone. Alors que la collectivité elle-même se dote d’un budget carbone qui mesure son impact climatique, quel exemple donne la métropole ? Mesure-t-on bien notre responsabilité face aux futures générations ?
N’êtes-vous pas tenté parfois de claquer la porte ?
Pour avancer, pour faire bouger les lignes, les élu-e-s écologistes n’ont aucun doute : on est plus efficace à l’intérieur de la majorité qu’à l’extérieur. On ne doit pas hésiter à reconsidérer nos projets, à les adapter ou les réadapter aux plus récents changements. Quitte à repenser notre modèle de réaménagement du territoire de manière radicalement différente, en intégrant tous les nouveaux paramètres. Il faut bien faire les choses. Regarder comment on peut éviter d’avoir un impact négatif sur l’environnement. Et, si on a besoin de compenser, on recourt à la loi.
Vous avez donc foi dans le collectif ?
Le rôle de la collectivité est bien d’accompagner, de valoriser les initiatives. Seuls, on ne peut pas avancer. Au niveau européen, Brest métropole s’inscrit dans des réseaux d’acteurs et des programmes pour donner de la densité à nos projets estampillés énergie-climat. Le projet Tomorrow, par exemple, incite les autorités locales à mener la transition vers des villes bas carbone, résilientes et plus agréables à vivre, Brest métropole travaille avec cinq autres villes pilotes, Brasov, Dublin, Mouscron, Niš et Valence pour changer les habitudes, imaginer de nouveaux modèles de développement, et investir dans la transition énergétique. Entreprises, établissements publics, communes, associations, citoyens, on a tous notre rôle à jouer. Pour atteindre nos objectifs ambitieux de neutralité carbone et de transition écologique. Pour faire de Brest métropole un territoire exemplaire, neutre en carbone à l’horizon 2050. On est tous concernés.
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